[REPORTERRE] Pour la première fois, des pays s’engagent à arrêter la production de pétrole et de gaz
Huit pays dont la France se sont engagés à éliminer l’exploitation des énergies fossiles de leur territoire. Mais cette nouvelle alliance ne comprend pas les principaux États producteurs d’hydrocarbures dans le monde, comme les États-Unis, l’Arabie Saoudite et la Norvège.
Glasgow (Écosse), reportage
À la COP26, les énergies fossiles, moteur du changement climatique [1], sont au cœur des débats comme jamais auparavant. Après la naissance de coalitions pour une sortie du charbon et la fin du financement de projets fossiles à l’international, le brouillon d’accord du sommet international évoquait explicitement, mercredi, l’élimination progressive du charbon et des combustibles fossiles.
Jeudi 11 novembre, la dynamique s’est poursuivie avec une annonce inédite : pour la première fois, huit pays se sont engagés à ne plus délivrer de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz, et ce avec effet immédiat. Cette coalition, intitulée « Beyond Oil and Gas Alliance » (Boga), a été initiée par le premier producteur européen de pétrole, le Danemark, et le Costa Rica. Ils ont été rejoints par la France, le Groenland, l’Irlande, le Pays de Galles, le Québec (une province du Canada) et la Suède. L’objectif : éviter d’atteindre des niveaux « dangereux » de perturbation climatique. « Sortir d’un approvisionnement non durable en pétrole et en gaz est un élément essentiel de ce défi », précisent ces pays dans leur déclaration.
Nous espérons inspirer d’autres pays
Ces États ont aussi promis d’« éliminer la production existante » d’hydrocarbures sur leur territoire. Mais ils n’ont pas précisé quand ils arrêteront les licences d’exploitation et d’exploration déjà existantes, s’engageant vaguement à « fixer une date compatible avec l’Accord de Paris », qui vise à contenir le réchauffement climatique « nettement en dessous des 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels ».
La Nouvelle-Zélande, la Californie et le Portugal ont par ailleurs rallié l’alliance en tant que membres associés, ces pays ayant, selon le communiqué de presse, adopté « des mesures concrètes importantes qui contribuent à la réduction de la production de pétrole et de gaz ». L’Italie l’a intégrée en tant que « membre ami ». Les pays membres de Boga ont néanmoins échoué à convaincre les principaux États producteurs d’hydrocarbures dans le monde, comme les États-Unis, l’Arabie Saoudite, la Chine, le Canada, ou les Européens comme la Norvège et le Royaume-Uni, qui produit du pétrole en mer du Nord. « Nous espérons inspirer d’autres pays », ne désespérait pas, en conférence de presse, le ministre danois du climat Dan Jorgensen, qui a confié être « en pourparlers » avec l’Écosse.
« Cette nouvelle alliance devrait dans l’idéal permettre de faire entrer par la fenêtre un sujet, la sortie des énergies fossiles, qui, en presque 30 ans de négociations, n’a jamais pu être mis à l’ordre du jour », analysent dans une note Amélie Canonne, chercheuse en politiques commerciales et climatiques, et Maxime Combes, économiste et auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (ed. Seuil, 2015). L’initiative, poursuivent-ils, « est clairement une évolution positive qui vient légitimer toutes les luttes menées pour s’opposer à l’exploitation de nouveaux gisements ».
La France pas claire sur le gaz de couche en Lorraine
En parallèle de ces annonces, la ministre française Barbara Pompili a été saisie d’une demande de permis pour que la Française de l’Énergie exploite du gaz de couche en Lorraine. Pour l’heure, le ministère de la Transition écologique ne s’est toujours pas engagé à refuser cette demande. « C’est un véritable crash test : nous allons vite savoir si le gouvernement veut sincèrement sortir de l’extractivisme », dit à Reporterre Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre. En cas d’accord, la PME pourrait installer jusqu’à 400 puits de forage en Moselle pour exploiter ce gaz non conventionnel, piégé dans des couches de charbon, et ce d’ici à 2040, voire au-delà.
Interpellé par des journalistes sur une conversation WhatsApp dédiée à la COP26, le ministère indiquait jeudi 11 novembre que l’instruction était « toujours en cours concernant ce projet ». Il assurait qu’il n’autoriserait pas « de techniques non conventionnelles comme la fracturation hydraulique ou la stimulation », mais « pour le reste nous sommes dans un État de droit : l’exploitant de cette concession est titulaire d’un permis de recherche attribué avant la loi de 2017 [2], qui interdit de rechercher et d’exploiter de nouveaux gisements, mais qui n’interdit pas de poursuivre l’exploitation d’un gisement existant ».
« Sur ce dossier, la France ne peut pas se permettre de tergiverser de la sorte !, s’indigne Lorette Philippot. Emmanuel Macron ne peut pas en même temps rejoindre une alliance internationale de pays qui s’engagent à progressivement ne plus délivrer de permis d’exploration et de production d’hydrocarbures, et autoriser l’extraction de gaz de couche. On attend un refus clair et net. »