Réforme des retraites Installation de la conférence de financement
Ce jeudi 30 janvier après-midi se tenait la réunion installant la conférence de financement, en présence du Premier ministre, de la Ministre des Solidarités et de la Santé, du Secrétaire d’Etat aux retraites, et de M. Jean-Jacques Marette qui préside cette conférence.
Le Premier ministre a rappelé l’objectif de la conférence : proposer des solutions pour équilibrer le système de retraites et des recommandations de pilotage dans la durée. Il a également rappelé que la conférence doit s’inscrire dans le calendrier parlementaire.
En effet, l’Assemblée nationale vient d’être saisie du projet de loi. La commission spéciale, présidée par Brigitte Bourguignon a débuté ses travaux par des auditions ce mercredi. Les députés ont jusqu’à la fin de la semaine pour déposer leurs amendements qui seront examinés du 3 au 7 février par la commission spéciale. L’examen en plénière est quant à lui prévu du 17 au 21 février. En parallèle également, les concertations (pénibilité, emploi des seniors et fonction publique) se poursuivent et devraient se terminer d’ici deux semaines.
Le Premier ministre a ensuite précisé que sur le court terme, si les points de vue sont différents, il espère que la discussion les fera converger et que, a minima, la réflexion collective sera enrichie. Il s’est à nouveau engagé à reprendre les mesures proposées par la conférence. Au sujet du long terme, il a insisté sur le fait que le pilotage doit être simple, lisible et responsable afin d’être compris dans le débat public. Pour lui, la conférence doit aussi être un moyen de parler de la gouvernance, et éventuellement de compléter le texte de loi en la matière. La conférence préfigure la future gouvernance du système. A ce titre, elle représente un test collectif de responsabilité.
Jean-Jacques Marette s’est ensuite exprimé. En tant que facilitateur du débat, il travaillera à faire converger les positions des différents acteurs. Il a précisé que les services de l’Etat seraient à disposition de la conférence. En termes d’organisation pratique, il propose deux groupes techniques pour aborder, pour l’un le court terme, et pour l’autre le long terme. En préalable à la discussion, il considère nécessaire de s’entendre sur les données fournies par le COR (hypothèses, conventions...) mais aussi sur les effets attendus des différentes mesures du projet de loi.
Les partenaires sociaux se sont ensuite exprimés.
La CFDT(1) s’est félicitée de la tenue de cette conférence qu’elle avait demandée pour sortir de l’impasse au début du mois de janvier. Elle a rappelé qu’elle était prête à assumer ses responsabilités, mais pas à transiger sur le sens de son action, à savoir, bâtir un système de retraite plus juste et solidaire. En mélangeant deux projets de loi en un seul, le gouvernement s’est détourné de l’ambition première d’un système universel. Au lieu de s’attaquer aux injustices du système actuel, on a focalisé le débat sur la création d’un âge d’équilibre collectif, injuste par nature. Pour la CFDT, la conférence de financement est l’occasion de renouer avec le sens initial de la réforme, mais elle en est aussi une des conditions de la réussite. Parce que la question de la justice sociale ne vient pas après la question du financement : la justice sociale n’est pas un supplément d’âme, elle est la condition d’un système financièrement équilibré. La CFDT a réclamé la transparence financière la plus totale : tous les chiffres devront être sur la table et les services (INSEE, CNAV…) doivent pouvoir être sollicités autant que de besoin. C’est la condition pour qu’émerge un diagnostic partagé, une capacité d’expertise indépendante, et une évaluation claire de chaque mesure et de chaque proposition. La CFDT, comme à son habitude, portera des propositions alternatives afin que toutes les parties prenantes prennent leurs responsabilités, y compris les employeurs publics et privés. Car actuellement, le seul paramètre qui augmente c’est la durée de cotisation, que seuls les travailleurs subissent. La CFDT a rappelé qu’elle resterait exigeante sur les solutions retenues, et que la réussite de la conférence s’évaluera en fonction des garanties apportées aux travailleurs et aux citoyens sur la pérennité du système de retraite, la justice sociale et l’intérêt général.
La CGT a redemandé le retrait du projet de loi, en rappelant son opposition sur l’idée même d’une réforme. Pour la CGT, une hausse des cotisations devrait suffire. Elle demande, comme la CGC, comment la conclusion de la conférence sera formalisée, celle-ci ne s’inscrivant pas dans les cadres habituels d’un accord paritaire.
FO a également dénoncé une réforme qui mêle le systémique et le paramétrique et a demandé la suppression de toute forme d’âge d’équilibre, et des coefficients de solidarité à l’Agirc-Arrco. Selon elle, le déséquilibre ne découle pas d’une dérive des dépenses mais d’une insuffisance de ressources liée à la politique de rigueur du Gouvernement.
1 La délégation CFDT était constituée de Laurent BERGER, secrétaire général, et Frédéric SEVE, secrétaire national en charge du dossier des retraites.
Elle s’oppose à tout transfert d’excédents entre branches de la sécurité sociale, et ne veut discuter que des ressources du système (cotisations). En attendant, FO s’est réjoui du retrait de l’âge pivot et a revendiqué un arrêt de la discussion parlementaire en cours.
La CGC s’inscrit dans l’intersyndicale qui est opposée à la réforme, sur le fond et la méthode. Cependant, elle participera à la conférence de financement parce qu’elle a le « mandat permanent » de faire des propositions. Elle se dit attachée à garantir l’équilibre à terme du système de retraite. En revanche, elle conteste l’analyse de la situation financière faite par le gouvernement.
La CFTC se dit engagée dans la conférence et attachée à la notion d’équilibre financier. Elle insiste sur l’origine du déficit (les recettes). Elle rappelle la responsabilité des employeurs en matière d’emploi des seniors et insiste sur le fait que les travailleurs ne doivent pas être les seuls à consentir à un effort. La conférence sera réussie si elle arrive à démontrer que le dialogue social peut produire des résultats.
L’UNSA valide le format de la conférence de financement et demande à ce qu’elle commence par un diagnostic partagé de la situation financière actuelle et du coût des mesures du projet de loi. Si l’UNSA n’est pas opposée à l’âge d’équilibre, elle revendique qu’il soit individualisé. En matière de long terme, elle insiste sur le fait qu’il ne faut pas empiéter sur la future gouvernance du système. Cette conférence doit permettre de crédibiliser le dialogue social et la culture du compromis.
Le MEDEF, comme l’U2P, FO et la CGT, a rappelé qu’il n’était pas demandeur d’une réforme ni de la conférence de financement. Il a redit son attachement à l’équilibre financier, garant de la durabilité du système, et à la nécessaire transparence des chiffrages (notamment en matière de gains liés à l’âge d’équilibre, de l’évolution de la cotisation de l’Etat et de son impact sur le financement du système, et de la part des retraites dans le PIB). Le MEDEF s’est interrogé sur la date pour l’objectif d’équilibre (2027) qui paraît fixée de manière arbitraire. Il demande à ce qu’on évalue le coût des mesures proposées (pénibilité, minimum de pension, revalorisations salariales dans la fonction publique) : une mesure d’âge doit être le moyen privilégié d’ajustement du système.
La CPME s’engage dans la conférence de financement et valide la méthode proposée. Elle considère que la pénibilité est un vrai sujet auquel il faudra répondre.
L’U2P est prête à discuter pénibilité et fins de carrière mais demande à ce qu’on tienne compte de la spécificité des TPE et des évolutions du travail (numérique). Elle demande à ce que la discussion s’intègre dans une réflexion globale sur le financement de la protection sociale.
Enfin, la FNSEA, qui demandait une réforme créant un système universel, a insisté sur la transition et les chiffrages des impacts pour les générations 1975 à 2003. Elle s’est dite satisfaite par la prise en compte actuelle de la pénibilité mais a toutefois insisté sur le travail de prévention.
La première réunion du groupe de travail « Court terme » aura lieu le 18 février prochain.