HANDICAP - RETRAITE : la nouvelle vague

handicap duo

La F3C-CFDT s’est penchée sur les conséquences de l’entrée en vigueur des dispositions de la loi sur les retraites et les premiers décrets d’application publiés et en particulier les articles 10 et 11 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Nous nous sommes attardés sur les nouvelles bornes d'âge et les nouvelles modalités de retraite anticipée des travailleurs handicapés et de retraite anticipée pour inaptitude et incapacité permanente.

Comme prévu, le 1er septembre 2023 a vu entrer en vigueur la réforme des retraites. Parmi les mesures emblématiques les plus contestées, il y a le recul de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans et la disparition des régimes spéciaux.

MAIS PAS QUE !

Les travailleurs bénéficiaires d’une obligation d’emploi (BOE) comme les travailleurs reconnus RQTH ou titulaires d’une pension d’invalidité au titre d’un AT/MP voient leurs conditions d’accès à une retraite à taux plein modifiées, ainsi que l’âge de liquidation.

A côté du régime invalidité apparait un régime inaptitude que nous allons vous présenter et commenter.

Si le texte a maintenu le principe du droit à une retraite au titre du handicap à taux plein à partir de 55 ans, le décret d’application sorti le 3 juin 2023 précise, en particulier, les assouplissements apportés par la loi adoptée via la procédure du 49-3 de la constitution.

Ce qui change :

1- Au titre du handicap

En premier lieu, ce texte abaisse le taux d'incapacité de 80 à 50 % nécessaire pour saisir la commission de rattrapage de la CARSAT (assurance retraite).

Cette commission permet, au moment du départ à la retraite, pour les travailleurs qui n'ont pas les justificatifs administratifs nécessaires pour attester de leur handicap (attestation COTOREP, RQTH, Invalidité, ...), de demander un réexamen de leurs droits et donc une reconnaissance administrative du handicap. Même si, il faut bien l'avouer, cette procédure est un parcours du combattant. En cas de succès de votre procédure, la régularisation peut alors aller jusqu'à 30 % de la durée d'assurance. Ce qui n’est pas négligeable.

Jusqu'à présent, la retraite anticipée pour handicap était possible à condition de justifier à la fois d'une durée d'assurance totale, c'est-à-dire un nombre minimum de trimestres validés (sans cotisation mais assimilés du fait d'une période de chômage ou d'indemnités maladie-maternité), et d'une durée d'assurance cotisée, c'est-à-dire en emploi.

Désormais, seule la condition d'avoir cotisé un nombre minimal de trimestres est maintenue. La durée « cotisée » correspond à une fraction de la durée d'assurance nécessaire à l'obtention du taux maximum de 50 %, et sera désormais calculée en fonction de l'année de naissance des assurés. Le système est certes plus favorable, mais il risque de provoquer une certaine amertume pour les assurés qui seront déboutés.

A titre dérogatoire, le décret du 3 juin 2023 prévoit enfin la diminution de la durée d'assurance cotisée pour les générations nées à compter du 1er septembre 1961 jusqu'au 31 décembre 1972 afin de compenser la hausse du nombre de trimestres requis pour bénéficier du taux plein.

Les durées d'assurances cotisées requises restent en revanche identiques à celles en vigueur avant cette nouvelle loi pour les générations 1973 et suivantes.
Cette nouvelle loi impacte également les titulaires d’une reconnaissance au titre de l’invalidité.

2- Au titre de l’incapacité

Le départ à la retraite sera modulé en fonction du taux d’incapacité.
Rappel : Qu’est-ce que l’incapacité ?
« L'incapacité désigne l'impossibilité de travailler ou d'effectuer certaines tâches de votre emploi et suit un accident du travail ou une maladie professionnelle. Elle est prescrite par un médecin et validée par le médecin- conseil de l'assurance maladie. » (Site Service Public).

La nouvelle loi et les décrets d’application associés modifient les paramètres afin de bénéficier d’une retraite avant 64 ans.

Ainsi, les victimes d'accident du travail et de maladies professionnelles (AT- MP) qui ont un taux d'incapacité permanente de 20 % et plus, pourront partir à 60 ans, comme c'est le cas jusqu'à présent.

Il y a suppression de la condition liée à la nature des lésions : Afin d'améliorer le recours au dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente", le décret du 10 août 2023 précise que "les bénéficiaires d'une rente AT-MP potentiellement éligibles à un départ anticipé dans le cadre de ce dispositif seront désormais contactés durant l'année de leur 59 ans".

Pour les assurés ayant un taux compris entre 10 et 19 %, ils vont, à l'inverse, devoir poursuivre deux ans de plus.
Ils partiront alors à 62 ans (soit 2 ans avant l'âge légal pour tous qui passe donc à 64 ans).

En contrepartie, maigre avancée, la durée d'exposition à des facteurs de risques professionnels pour bénéficier de cette retraite anticipée passe de 17 ans à au moins 5 ans, ce qui va permettre d'augmenter le nombre de bénéficiaires. Merci Patron !

3- Au titre de l’inaptitude (nouveau)

La réforme qui vient d’entrer en vigueur au 1er septembre 2023 introduit un dispositif nouveau en lien avec le régime de l’inaptitude. Ainsi, un nouveau dispositif de départ anticipé pour les assurés reconnus inaptes au travail ou justifiant d'une incapacité permanente au moins égale à 50 % est créé.

Rappel : Qu’est-ce que l’inaptitude ?
« L'avis d'inaptitude est prononcé par le médecin du travail lorsque votre état de santé est incompatible avec votre poste de travail et qu'aucune mesure d'aménagement ou d'adaptation de votre poste de travail n'est possible. Il se présente sous la forme d'un document écrit. » (travail-emploi.gouv.fr)

À compter du 1er septembre 2023, les travailleurs inaptes peuvent bénéficier d'un départ à taux plein à 62 ans même s'ils ne remplissent pas la condition de durée de trimestres cotisés.

Attention, le terme « à taux plein » est piégeux et ne veut pas dire « avec une retraite pleine ».

D'une manière générale, pour ceux qui n'ont pas validé tous leurs trimestres, la retraite est réduite de deux façons :

- Via la décote (soit une réduction de 1,25 % par trimestre manquant, dans la limite de 20%). Cette décote se voit supprimer dans le cadre de l’inaptitude.

- Le futur retraité subira une ponction au prorata du nombre de trimestres validés.

Par exemple, pour un travailleur qui a validé 150 trimestres alors qu'il lui en fallait 166, le calcul suivant sera appliqué : 150 / 166 ; autrement dit, la pension de retraite sera équivalente à 90,4 %.

Pour résumer, les travailleurs inaptes qui prendraient leur retraite à 62 ans en ayant validé moins de trimestres que la durée d'assurance requise subiront toujours la proratisation mais plus la décote.

Ils seraient ainsi près de 100 000 à pouvoir bénéficier de ce nouveau dispositif chaque année.

Pascal ANGLADE - Secrétaire Fédéral