[HANDICAP.FR] Covid : menace sur l'emploi des personnes handicapées

Jeune femme handicapée assise dans un fauteuil roulant

Le handicap risque d'être encore plus que d'habitude une cause de discrimination à l'emploi en ces temps de Covid-19 où l'amalgame est vite fait entre personne vulnérable et handicapée, mettent en garde professionnels et associations.

"En temps normal, les recrutements de personnes en situation de handicap ne sont jamais simples à cause des a priori. Le contexte sanitaire va compliquer les choses", confie à l'AFP Vivien Laplane, animateur auprès de personnes âgées en Ehpad. Sourd de naissance, ce créateur du blog "Apprendre à écouter" se dit "inquiet".
Quant à Mohamed Ouahab, il dirige à Sauvagnon, près de Pau, une entreprise adaptée (EA), sous-traitante pour l'aéronautique (rédaction et traduction de notices techniques, comptabilité...), qui emploie 64 personnes dont 82% ont une RQTH (reconnaissance de qualité de travailleur handicapé). Il témoigne que, comme l'ensemble du secteur aéronautique, APF 64 "a été très impactée par la crise du Covid. On a perdu 62% de notre chiffre d'affaires". Cette société est l'un des 50 établissements du réseau APF Entreprises mis sur pied par APF France Handicap (4 200 salariés dont 3 800 handicapés).

Avant : des chiffres encourageants !

Le taux d'emploi chez les travailleurs handicapés est de 35% selon l'Insee : 938 000 occupent un emploi sur un total de 2,7  millions en âge de travailler. Avant la crise épidémique, les chiffres étaient encourageants avec un nombre de chômeurs handicapés sous la barre symbolique des 500 000 en 2019 et un taux de chômage de 16 % contre 17 % en 2018, restant toutefois le double de celui de la population active en général. Aujourd'hui, "on a des craintes car, traditionnellement, les travailleurs handicapés souffrent pendant toutes les crises économiques et les protocoles actuels ne facilitent pas l'embauche de personnes avec des particularités de santé", analyse Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps. Il anticipe une hausse des licenciements pour inaptitude en dépit de l'obligation faite aux entreprises d'employer des travailleurs handicapés sous peine de sanctions financières pas forcément dissuasives. "Le handicap reste un motif très important" de discrimination pour le sociologue Jean-François Amadieu. "Les personnes handicapées, comme les seniors ou les personnes obèses, sont des groupes très discriminés qui profitent moins vite d'une embellie du marché du travail et a contrario sont les premières victimes d'un retournement", précise le directeur de l'Observatoire des discriminations.

Effort spécifique

Parmi les réclamations pour discrimination reçues en 2019 par le Défenseur des droits, le handicap était le premier critère (22%). Matthieu Annereau, président de l'Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques (APHPP), déplore "l'amalgame fait pendant cette crise entre personne vulnérable et personne handicapée. Il faut changer le regard sur les personnes handicapées et mettre en avant leur savoir-faire". Mohamed Ouahab se dit "effaré par la motivation, l'enthousiasme de (ses) collaborateurs pour venir travailler pendant la pandémie", durant laquelle APF 64 s'est lancée dans la production de surblouses pour les professionnels de santé. D'autres sites d'APF Entreprises ont fabriqué des masques transparents.

100 et 300 millions

Le gouvernement a débloqué 100 millions d'euros pour étendre aux chômeurs en situation de handicap, sans limite d'âge, les aides prévues pour l'embauche des jeunes de moins de 26 ans (article en lien ci-dessous). En outre, un dispositif de 300 millions d'euros doit soutenir les entreprises sociales "inclusives" (EA et structures d'insertion par l'activité économique, SIAE), qui sont 5 000 et emploient plus de 200 000 salariés (article en lien ci-dessous). Le Premier ministre Jean Castex a souhaité "un effort spécifique pour ceux qui pourraient rencontrer des difficultés particulières". "Le monde du handicap est capable d'être performant, il l'a démontré pendant la crise sanitaire. Le soutenir, le promouvoir est un impératif économique et pas seulement de solidarité", insiste Matthieu Annereau.

Par David ARRODE