[LE FIGARO] Damien Abad: «En période de crise, les personnes handicapées sont trop souvent en première ligne»
Les personnes handicapées souffrent davantage encore que la reste de la population de la hausse du chômage et de la généralisation du télétravail, rappelle Damien Abad à l’occasion de la journée mondiale du handicap ce jeudi 3 décembre.
La crise sanitaire inédite que nous connaissons met à rude épreuve notre vie sociale et économique. Elle nous demande à tous des efforts considérables de confinement social, d’adaptation professionnelle, de vigilance sanitaire. Les conséquences de cette crise sanitaire sont d’autant plus lourdes pour les plus fragiles d’entre nous. Notre dignité est de les protéger, de les aider.
N’oublions pas qu’en période de crise, les personnes handicapées, en dépit de la grande résilience et de l’esprit d’adaptation admirable dont elles et leurs proches font preuves, sont trop souvent en première ligne. N’oublions pas qu’aujourd’hui, alors que les menaces du chômage et de la précarité planent sur nos concitoyens, le taux de chômage des travailleurs actifs handicapés est deux fois supérieur à la moyenne nationale.
N’oublions pas, enfin, que la part des chômeurs de longue durée, c’est-à-dire d’un an ou plus, est de 63% pour les chômeurs en situation de handicap contre 45% pour le reste de la population. Quand on sait qu’un demandeur d’emploi handicapé sur deux a 50 ans ou plus, on comprend d’autant plus leur inquiétude sur l’éventuelle perte d’emploi qui résulterait de cette crise. Cette situation est d’autant plus préoccupante que le handicap est le premier critère de discrimination déclaré au défenseur des droits en 2019.
Un travailleur handicapé sur trois craint avec le télétravail de se sentir davantage isolé socialement et professionnellement, voire même de perdre son emploi
Malheureusement, comme le dénonçait en avril le Collectif Handicaps, qui rassemble 48 associations, les personnes atteintes de handicap sont «les oubliées de la pandémie» et sont de manière générale, trop souvent invisibles dans l’espace public. Nous oublions en effet leur détresse et leur solitude face au confinement, à l’arrêt des activités créatrices de lien social, ou encore de certains soins à domicile, elles qui subissent déjà l’exclusion quotidiennement.
Nous oublions qu’elles ont besoin de souplesse, et que la règle de sortie maximale d’un kilomètre et d’une heure peut par exemple ne pas faire sens pour un enfant autiste qui se promène avec ses parents. La semaine dernière, encore, nous oubliions que les femmes en situation de handicap sont, en proportion, davantage victimes de violences conjugales que les valides et les campagnes de prévention oublient toujours cela aujourd’hui. En réalité, ne pas oublier, c’est surtout ne pas oublier de lutter pour ces personnes en situation de handicap.
En cette période de crise sanitaire, la réorganisation du travail et le recours massif au télétravail peuvent être l’occasion pour chaque employeur, public comme privé, de faire un pas supplémentaire vers l’inclusion. Si le télétravail est une opportunité, il comporte aussi sa part de risque. Un travailleur handicapé sur trois craint avec le télétravail de se sentir davantage isolé socialement et professionnellement, voire même de perdre son emploi. Nous devons donc tous rester vigilants sur le fait que le télétravail reste une option et pas un moyen de marginaliser les personnes handicapées.
Ainsi, en cette journée internationale des personnes handicapées, prenons ensemble des décisions courageuses pour favoriser l’inclusion de tous.
Concrètement, soutenons «l’inclusion numérique» pour les personnes handicapées à travers un grand plan d’investissement, afin de leur permettre un accès facilité aux offres d’emplois, aux informations concernant ces offres, ou encore à l’environnement numérique de travail. 1,5 million de personnes sont par exemple atteints d’une déficience visuelle alors que seuls 4% des sites Internet publics ont publié leur attestation d’accessibilité en conformité avec le Référentiel général d’accessibilité pour les administrations (RGAA).
La bonne inclusion des personnes handicapées, c’est ce qui définit notre solidarité, notre ciment en tant que nation, en tant que collectif
Soutenons la création de places supplémentaires dans nos ESAT, dont le modèle économique est un exemple d’inclusion des travailleurs handicapés dans l’univers professionnel comme sur nos territoires. Nous proposons ainsi la création de 10 000 postes supplémentaire, associée à une augmentation des budgets des ESAT de 500 000 euros pour financer ces embauches.
Soutenons la simplification administrative pour rendre chaque projet professionnel plus clair et plus complet, en assurant un meilleur suivi pour les employeurs. Une fusion des dossiers MDPH et AGEFIPH permettrait ainsi de faciliter les démarches.
Soutenons, enfin, un plan d’investissement massif pour rendre nos transports en communs plus accessibles afin que le simple fait de “se rendre au travail” ne soit plus un parcours du combattant. Les Français, qu’ils soient handicapés ou non, ont tous droit à leur dignité. C’est celle-ci qui fait la richesse de notre Nation que ce soit dans les compétitions sportives, au sein des entreprises, au sein de notre administration, dans nos classes d’école, ou dans notre riche tissu associatif.
Soutenir le travail des personnes en situation de handicap, ce n’est ni une option, ni une politique publique comme les autres. C’est plus que cela. La bonne inclusion des personnes handicapées, c’est ce qui définit notre solidarité, notre ciment en tant que nation, en tant que collectif. C’est ce qui définit notre humanité.