Conférence sociale Intervention de Marylise Léon, Secrétaire générale de la CFDT, le 16 octobre 2023

Marylise Léon

Madame la Première Ministre, mesdames et messieurs les ministres, monsieur le Président, mesdames et messieurs, mes chers camarades.

La tenue de cette conférence sociale est importante. Alors que toutes nos pensées accompagnent l’ensemble de communauté éducative ce matin, notre démocratie sociale a besoin de dialogue, de débats et de construire des solutions concrètes pour les travailleurs et travailleuses. C’est tout l’enjeu de cette journée.

Alors que l’inflation rend les fins de mois plus difficiles pour beaucoup, le pouvoir d’achat, ou dit autrement, le pouvoir de vivre dignement de son travail, est la préoccupation n°1 des Français.

Le 12 juillet, lors d’une réunion multilatérale, la CFDT vous demandait déjà d’agir.

Depuis, plusieurs associations de soutien aux plus précaires tirent la sonnette d’alarme. Trop de personnes basculent dans la précarité ou sont tout juste sur le fil. Aujourd’hui nous comptons entre 1,9 et 2 millions de travailleurs et de travailleuses pauvres.
Entre 1,9 million et 2 millions de personnes qui travaillent, mais qui vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de 1015€ par mois. Ce sont majoritairement des femmes.

Ils et elles sont également près de 2 millions à être allocataires du revenu de solidarité active et concernés par la réforme du projet de loi pour le plein-emploi. Si nous partageons pleinement cet objectif, nous sommes en profond désaccord avec la réforme qui - notamment après les débats au Parlement - risque d’aggraver encore la situation des plus précaires. Madame la

Première Ministre, je vous le redis ici, cette réforme est injuste, elle méconnaît les difficultés des personnes qui touchent le RSA en supposant qu’ils se satisfont de leur situation, pointant lourdement leurs devoirs et évoquant du bout des lèvres leurs droits …
« Des enjeux de trajectoires individuelles se dessinent », évoque pudiquement l’un des documents proposés pour cette journée.

Pour la CFDT, c’est une évidence. Et en langage CFDT, il nous faut trouver collectivement enfin des réponses à hauteur de femme et d’homme. La situation de chacun et chacune ne peut être réduite à une moyenne, une médiane…et encore moins à une équation !

Aujourd’hui, en moyenne les salaires augmentent. Mais derrière cette moyenne se cachent de fortes inégalités. De trop nombreux travailleurs et surtout des travailleuses, sont collés au SMIC ou à peine au-dessus pendant plusieurs années. [2,5 millions de salariés au SMIC en 2022, 55% des personnes au SMIC sont des femmes] Il est grand temps d’entendre ces réalités et d’agir.

Et agir sur les salaires, c’est la première des réponses indispensables. Les employeurs doivent donc assumer leurs responsabilités. Quand je parle des employeurs, je n’oublie pas l’Etat employeur. L’investissement professionnel est aussi fort dans le public. Les soignantes et les soignants, les greffiers, les accompagnantes des élèves en situation de handicap - pour ne prendre que quelques exemples – toutes ces travailleuses et travailleurs s’investissent dans leur travail. Cet investissement doit être mieux reconnu et 2024 ne peut pas être une année blanche. La CFDT demande donc au Gouvernement d’ouvrir rapidement la négociation « accès, parcours, rémunération » pour garantir une plus juste reconnaissance du travail et de meilleures perspectives de carrières pour tous les fonctionnaires et contractuels.

Dans les secteurs privés, les employeurs doivent assumer leurs responsabilités et partager équitablement les fruits du travail produit dans l’entreprise.

Personne ne peut plus se satisfaire, aujourd’hui, que les femmes continuent de gagner moins que les hommes.

- La CFDT propose donc de revoir l’index professionnel de façon à mieux faire émerger et éliminer ces inégalités. L’objectif ne peut pas être d’avoir juste une bonne note !

- L’Union Européenne nous pousse aussi à faire mieux : la CFDT demande que la directive européenne « pay transparency » soit transposée dans le droit français le plus rapidement possible

- Et bien sûr, nous devons travailler sur le partage de la parentalité puisque l’on sait qu’elle affecte principalement la carrière des femmes et contribue aux inégalités.

Les femmes sont également davantage touchées par les contrats à temps partiel.

Des solutions simples existent déjà. L’instauration d’une indemnité emploi à temps partiel par exemple, existe dans le secteur de l’animation, c’est donc que c’est possible !

Les travailleurs et les travailleuses à temps partiel ne sont pas des travailleurs de seconde zone. Pourquoi la rémunération de leurs heures supplémentaires est-elle alors inférieure à celles des travailleurs à temps plein ? pourquoi certains de ces contrats n’ouvrent aucun droit à la protection sociale ? Autant d’injustices sur lesquels nous devons revenir, et qui feront l’objet de nos discussions cet après-midi.

Pour ce qui est des salaires, les branches doivent jouer leur rôle de régulateur.

Mais force est de constater que la mécanique s’enraye trop souvent.

Trop de salariés évoluent en compétences mais ne progressent pas en salaires. Qui peut trouver cela juste ? Je crois que personne ici n’aimerait être dans cette situation.

Dans l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur, les organisations syndicales et patronales signataires se sont engagées à ouvrir des négociations sur les grilles de classification, sur la mixité des métiers et sur la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés. S’engager dans un accord c’est le signer et ensuite respecter ses engagements. La CFDT est prête à négocier et nous en avons d’ailleurs informé toutes les branches par courrier.

Pour les branches qui ne joueraient pas le jeu de la négociation, maintenant notamment des coefficients sous le SMIC, la CFDT appelle à ce que leurs exonérations de cotisations soient suspendues.

La CFDT demande également la création d’une commission bas salaires en remplacement du groupe d’experts sur le SMIC, afin de documenter en continu les causes et remèdes au développement de la précarité salariale, au-delà de la seule évolution du SMIC, pour les entreprises du privé et les fonctions publiques.

Enfin, et c’est une exigence démocratique, la CFDT milite pour que les aides publiques soient conditionnées à l’avis des CSE. L’idée n’est pas de punir les entreprises, mais de s’assurer d’une juste utilisation de l’argent public.

Les travailleurs nous l’ont dit et redit dans les cortèges cet hiver. Ils veulent pouvoir s’exprimer beaucoup plus sur leur travail et sur les sujets qui les concernent. Les règles du dialogue social aujourd’hui ne le permettent pas assez. La CFDT appelle donc à revoir ces règles pour notamment plus de représentants de proximité et faciliter la création de commissions santé au travail. Ce n’est pas une surprise madame la Première Ministre. Le pari des ordonnances fait en 2017 nous semble perdu… la qualité du dialogue social d’entreprise n’est pas à la hauteur des enjeux et des défis auxquels les entreprises doivent faire face.

Sur tous ces sujets, la CFDT a des propositions à vous faire et à débattre. Nous sommes prêts à nous engager pour les mettre en œuvre.

Car, l’étape d’après ce sont les actes. Des actes qui prennent en considération la réalité des situations vécues et qui réparent les injustices.


Je vous remercie.