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[EDITION TISSOT] Obligation de prévention des RPS : elle peut conduire au licenciement d’une salariée en état de grossesse

femme enceinte travail bureau

Les salariées en état de grossesse sont protégées contre le licenciement. Relative ou absolue, cette protection peut être parfois levée si l'employeur justifie de son impossibilité de maintenir le contrat de travail. Cette situation de blocage, peu illustrée, a fait l'objet d’une clarification dans une affaire mettant en jeu l'obligation de sécurité de l'employeur.

Salariée en état de grossesse : un licenciement prohibé ou suspendu à de stricts motifs

Le Code du travail interdit à l’employeur de rompre le contrat de travail d’une salariée dont l’état de grossesse est médicalement constaté, mais aussi pendant : 

  • l'intégralité de son congé de maternité, que celle-ci use ou non de ce droit ;
  • les congés payés pris immédiatement après ;
  • les 10 semaines suivant l'expiration de ces périodes.

Cette protection est absolue lorsque le contrat est suspendu au titre du congé de maternité ou des congés payés accolés. Mais en-dehors de ces périodes, celle-ci peut être levée lorsque l’employeur mobilise l’un des motifs suivants : 

  • la faute grave de l'intéressée ;
  • son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’état de grossesse, et ce, au regard de circonstances indépendantes de son comportement. 

Rappel

Pour pouvoir bénéficier de cette protection, il revient à la salariée de remettre à son employeur un certificat médical attestant de son état de grossesse et de la date présumée ou effective de son accouchement. Cette formalité peut être accomplie, au plus tard, dans les 15 jours suivant la notification de son licenciement.

Impossibilité de maintenir le contrat d’une salariée en état de grossesse : nouvelle illustration

A ce jour, il reste difficile d’identifier, avec précision, les situations plaçant réellement l’employeur dans l’impossibilité de maintenir le contrat de travail d’une salariée enceinte. Et pour cause, contrairement à la faute grave, cette circonstance n’a été explicitée qu’en de rares occasions par la jurisprudence.

C’est pourquoi cette décision rendue le 27 mai 2025 par la Cour de cassation mérite une attention toute particulière.  

L’affaire concernait ici un employeur qui, en deux temps, s’était retrouvé placé dans cet état d’impossibilité. 

Tout avait débuté en octobre 2016 par une décision : celle de reporter, dans l’attente du dépôt d’un rapport d’enquête réalisé par le CHSCT, la reprise d’activité d’une salariée.

En effet, l’instance avait été saisie, quelque temps auparavant, par plusieurs collaborateurs ayant dénoncé l’existence de risques psychosociaux (RPS) en lien avec ce retour et exprimé leurs craintes vis-à-vis de leurs conditions de travail.

Notez le

Par le passé, la salariée avait effectivement adopté, à plusieurs reprises, des attitudes génératrices de surcharges de travail et de stress pour ses collègues (ex : départ impromptu du poste de travail).

Le rapport rendu par le comité avait alors conclu qu’il n’était pas envisageable de réintégrer la salariée dans la mesure où son retour engendrerait des RPS graves pour toute l’équipe et pour elle-même.  

Un constat entériné, peu après, par l’Inspection du travail qui, saisie par la salariée elle-même, avait invité l’employeur à procéder à sa réaffectation sur un autre poste.

Important

A cet instant, l’employeur était empêché, en vertu de son obligation de sécurité, de maintenir la salariée à son poste de travail. Pour autant, il n’était pas, du moins pas encore, dans l’impossibilité de maintenir son contrat de travail.

Conformément à la préconisation formulée par l’Administration, l’employeur avait proposé un poste équivalent à la salariée au sein d’un autre établissement. Or, cette dernière refusa cette proposition au terme de différents échanges.

C’est donc à ce moment précis que l’employeur, poussé par son obligation de sécurité et l’impossibilité de reclasser la salariée, s’est définitivement retrouvé dans une situation de blocage. 

Tant et si bien, confirme la Cour de cassation, que ce dernier pouvait recourir à une procédure de licenciement. 

Vous avez des questions relatives à la grossesse et au congé de maternité ? Les Editions Tissot vous proposent leur documentation « Santé sécurité au travail ACTIV ».

Cour de cassation, chambre sociale, 27 mai 2025, n° 23-23.549 (l'employeur se trouve dans l'impossibilité de maintenir le contrat de travail d’une salariée enceinte lorsque, tenu par son obligation de prévention des risques psychosociaux, il voit sa proposition de réaffectation refusée par cette dernière)