[EDITIONS TISSOT] « Workaholisme » : un risque accru en période de crise ?
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Dans cette période nous privant de bon nombre de nos occupations et loisirs habituels et où l’articulation entre les sphères professionnelle et privée est modifiée, de nombreux salariés peuvent être amenés à centrer toute leur attention sur leur activité professionnelle. Le rapport au travail est potentiellement modifié et le risque de surinvestissement, voire de dépendance au travail, sensiblement augmenté.
L’addiction au travail correspond à une addiction comportementale, qui est à distinguer du plaisir ou de l’épanouissement au travers du travail. Elle évolue vers une véritable « contrainte psychique, vécue comme aliénante, à un engagement croissant et durable dans le travail avec échec des tentatives de contrôle et d’arrêt » (Dr Guillo-Bailly).
Malgré une certaine médiatisation de ce phénomène, également appelé « boulomanie », celui-ci reste relativement peu connu ou du moins difficile à cerner et à identifier.
En effet, perçue comme respectable, voire socialement valorisée, cette dépendance peut être aux yeux des personnes concernées plutôt positive et relativement tolérée par leur entourage, du moins durant les premiers temps.
Plusieurs phases vont pouvoir en effet se succéder. Après une première phase caractérisée par une forte énergie et une forme de plaisir et de gratification, peuvent s’ensuivre les premiers symptômes d’irritabilité ou de manque, mais aussi une altération de la vie sociale et familiale. Petit à petit, des effets sur la santé peuvent apparaitre, des troubles somatiques (troubles du sommeil, migraines, douleurs intestinales, etc.) mais aussi psychiques (troubles anxieux, dépressifs) et dans certains cas, des co-addictions (alcool, tabac, drogue, etc.). Jusqu’à mener à l’épuisement professionnel ou d’autres graves altérations de la santé mentale et physique.
Sur le plan du travail, cette addiction n'est pas toujours synonyme d’une plus grande productivité ou efficacité. Les « workaholiques » sont en effet souvent décrits comme des personnes perfectionnistes, consacrant beaucoup de temps à des détails ou tâches sans valeur ajoutée, ou encore ayant des difficultés à déléguer et rencontrant des difficultés relationnelles avec leur entourage professionnel.
Si certains facteurs de personnalité prédisposeraient à l’addiction au travail, les facteurs organisationnels ne sont pas à négliger.
Les études menées sur le sujet pointent notamment la pression au travail, la nécessité d’augmenter la productivité ainsi que l’utilisation excessive des outils numériques qui empêchent la déconnexion.
Comme l’indique l’INRS, la prise en compte de cette problématique de santé au travail passe donc essentiellement par une prévention collective des risques psychosociaux et des risques liés aux technologies de l’information et de la communication, en identifiant et en mettant en œuvre des moyens de prévention pour les populations (métiers/secteurs d’activité) les plus à risques.
Limiter la pression sur les équipes (notamment en période de crise), prévenir la surcharge informationnelle, maintenir une frontière entre les activités professionnelles et personnelles, … des enjeux pleinement d’actualité !
Chloé Remmer
Psychologue du travail – Consultante / formatrice