[LA DEPECHECHE.FR] INTERVIEW. Rentrée sociale en France : Emmanuel Macron « trouvera la CFDT sur sa route »
Cette rentrée s’effectue dans un contexte inédit de flambée des prix. Le gouvernement est inquiet et semble craindre, plus que tout, une nouvelle crise des Gilets jaunes. Partagez-vous cette inquiétude ?
Quand on s’adresse aux travailleurs mais aussi à l’ensemble des citoyens, face à la situation écologique, face à la guerre en Ukraine, à l’inflation ou encore au risque de crise énergétique, le sentiment d’inquiétude est le sentiment le plus présent. Mais je crois qu’il ne faut pas craindre telle ou telle réaction. Il faut agir, trouver des solutions.
Quels sont les Français qui souffrent le plus ? À en croire le gouvernement ce sont les « entrées de classe moyenne » c’est-à-dire les Français qui n’ont pas droit aux aides sociales, partagez-vous cette analyse ?
Aujourd’hui, dans notre pays il y a 10 millions de personnes en situation de pauvreté, il y a aussi ceux qui ont du mal à boucler les fins de mois mais le gouvernement fait une erreur s’il se demande qui va crier le plus fort pour savoir qui aider.
Le gouvernement en fait-il assez pour apaiser les tensions ?
Il faut revenir à un ciblage des aides beaucoup plus fort. Ça n’est pas la même chose de financer le carburant pour partir en week-end que pour aller au boulot tous les matins. Et puis il est nécessaire que les entreprises jouent leur rôle et redistribuent. Il y a, à Montauban, un conflit dans un laboratoire d’analyses médicales, Biofusion, parce que la direction ne veut pas d’augmentation de salaire alors que les bénéfices ont été multipliés par trois.
Mais comment le gouvernement peut-il inciter les entreprises à redistribuer ?
Si ces entreprises qui ont fait des bénéfices ne bougent pas il y aura de la conflictualité et il y en a déjà beaucoup, nous recensons, à la CFDT, un accroissement des conflits salariaux que l’on n’avait pas connu depuis des années. Dans de nombreuses branches professionnelles les choses peuvent d’enflammer. Il faut augmenter les salaires et les minima sociaux. Ce que prévoit le projet de loi pouvoir d’achat ne suffit pas.
Dans ce contexte, la reforme des retraites va-t-elle attiser les braises ?
C’est la flamme près de la bouteille de gaz. En ce moment les salariés ont du mal à boucler les fins de mois, il y a une incertitude sur le coût de l’énergie et sur ce qui va être demandé en termes de sobriété si dans ce même temps le gouvernement dit à l’ensemble des salariés il va falloir travailler jusqu’à 64 ou 65 ans, il trouvera la CFDT sur sa route parce que ce serait un risque énorme pour la cohésion sociale et parce que cette mesure est fondamentalement injuste.
Le gouvernement semble aussi préparer le terrain pour une réforme assez dure de l’assurance chômage, quelle information avez-vous à ce sujet et qu’en pensez-vous ?
Nous n’avons pas plus de précision mais je veux juste dire que le dogmatisme et l’idéologie sont des ennemis de l’efficacité. Contraindre les gens à reprendre un emploi en baissant les indemnités chômage est totalement inefficace notamment parce que plus de la moitié des demandeurs d’emploi ne sont pas indemnisés.
Que faire contre cette grande démission ?
Je ne crois pas qu’il y ait une grande démission je crois qu’il y a une évolution du rapport au travail. Depuis le confinement, mais aussi parce que les organisations du travail ont bougé, parce qu’il y a une quête de sens au travail, de respect et la volonté d’une meilleure articulation des temps personnels et professionnels est visible et on ne va pas le regretter. Il faut donc que l’on s’interroge pour y apporter des réponses. Nous avons proposé au gouvernement, au ministre Olivier Dussopt, des Assises sur le travail mais nous n’avons pas encore eu de réponse. Penser les évolutions du travail est absolument nécessaire y compris pour agir pour l’emploi.
Le travail va être une thématique importante du Conseil national de la refondation. Lorsque vous observez toutes les défections regrettez-vous d’y participer ?
Non. Les défections viennent plutôt du monde politique qui préfère se confronter au sein de l’Assemblée nationale. Mais il y a deux pièges dans lesquels la CFDT ne tombera pas, le premier qui consisterait à dire c’est merveilleux, c’est une nouvelle méthode qui est en train de se mettre en place. L’autre piège dans lequel on ne tombera pas, c’est celui de dire qu’il faudrait être plus écoutés et cracher dans la soupe quand on nous propose de venir discuter. La période est trop grave pour déserter le terrain de l’implication. Donc nous irons le 8 et nous porterons nos revendications.
Le Président et la Première ministre ont lancé un appel à la sobriété, était-ce nécessaire selon vous ?
Il faut expliquer la manière dont notre modèle de production puise sur l’environnement et les écosystèmes. Qui pourrait dire aujourd’hui qu’il ne faut pas être sobre ? Mais cet appel ne peut pas être entendu de la même manière si on est dans une situation difficile ou plus aisée, d’où l’importance de politiques sociales.