[OUEST FRANCE] POINT DE VUE. Replacer les services publics au cœur des enjeux européens de demain
En tant que partenaires sociaux européens, nous faisons le pari de l’intelligence collective en remettant au centre du débat et de l’action politique en Europe les notions de service public et d’intérêt général. À la veille de la présidence française de l’Union européenne, nous devons renforcer les investissements publics pour faire face aux grandes transitions tout en visant l’amélioration de la qualité de vie au quotidien des citoyens européens.
La crise du modèle à l’heure des grands bouleversements
Partout en Europe, le constat est sans appel : les services publics sont essentiellement perçus comme des centres de coûts par certains décideurs publics. Compression budgétaire, désengagement ou privatisation : les recettes politiques appliquées au service public ont été concentrées autour de la seule recherche d’économies. Bien sûr, ces services sont concernés par les concepts de performances ou d’équilibre budgétaire. N’oublions pas que les services publics et d’intérêt général contribuent à 30 % du PIB européen et emploient plus de 60 millions de travailleurs dans l’Union européenne.
Ce désinvestissement public est un paradoxe : lorsque la crise sanitaire a éclaté en 2020, seuls les services essentiels ont été autorisés à opérer, au premier rang desquels les services publics et d’intérêt général. Pendant toute la pandémie, les opérateurs ont garanti la fourniture de leurs services de manière ininterrompue, et sans en diminuer ni le niveau, ni la qualité. Leur caractère vital a été mis en évidence, au même titre que les lourdes conséquences d’années de coupes budgétaires généralisées. Un service de santé au bord de la saturation, un système éducatif sous-doté face au défi du numérique, un secteur culturel ébranlé. Autant d’illustrations d’une conception obsolète des services publics ces dernières décennies.
Érigés en valeur commune de l’Union, les services d’intérêt général sont à ce jour uniquement reconnus dans leur dimension économique par les traités européens. Cela n’est pas assez ! La pandémie que nous traversons et la Présidence Française de l’UE sont autant de raisons pour exiger une véritable consécration institutionnelle des services publics au niveau européen. En ce sens, nous demandons la consolidation des traités et la mobilisation de fonds européens pour endiguer la perte d’attractivité des services publics et la précarisation des femmes et des hommes qui y travaillent. Pour ce faire, l’association des partenaires sociaux dans la mise en œuvre des plans de relance et de résilience est essentielle.
Le renforcement des services publics et d’intérêt général à l’aune des transitions
Les services publics et ceux qui y travaillent doivent donc être reconnus à la hauteur de leur contribution au développement social, scientifique, écologique, numérique et économique. Indiscutablement, ils participent de manière transversale à renforcer la résilience et à répondre aux mutations à venir. N’oublions pas que l’accès aux services essentiels est l’un des principes clés du Socle européen des droits sociaux et que les services publics en sont les vecteurs principaux. Infirmiers, instituteurs, conducteurs, aides à domicile, agents de propreté… autant d’exemples qui parlent d’eux-mêmes.
Les décideurs ne peuvent plus ignorer l’exigence citoyenne de qualité, de proximité et d’accessibilité des services publics. Là où la question de la transition écologique se pose, les différents opérateurs de services d’intérêt général peuvent offrir des solutions et garantir l’autonomie stratégique de l’Europe. Là où la fracture numérique se creuse, ces mêmes services savent lutter contre l’illectronisme et le manque d’équipement. Ne passons pas à côté de cette opportunité qu’est la présidence française pour promouvoir une vision plus ambitieuse et plus exigeante du service public.
À ce titre, les services publics doivent être considérés comme des investissements stratégiques de long terme et participer à la redéfinition de la gouvernance économique européenne, au-delà du seul PIB. Plus on leur accorde un rôle significatif, plus ils contribuent à remédier aux déséquilibres sociaux identifiés en Europe. D’une part, des investissements dans les infrastructures de réseaux doivent être dégagés, en particulier dans les secteurs stratégiques pour amorcer les transitions. D’autre part, il est impératif de requalifier la partie sociale de la dette en investissement et affirmer son caractère social et économique. La crise sanitaire a démontré que l’assainissement budgétaire ne doit plus être la seule boussole des politiques publiques.
Donner aux fournisseurs de services publics et d’intérêt général les moyens de nos ambitions européennes et aux travailleurs les conditions et la reconnaissance qu’ils méritent, est capital pour l’avenir du modèle social européen.