Vaccination obligatoire et pass sanitaire

covid19

Les partenaires sociaux ont été conviés par la Ministre du travail, vendredi 16 juillet, à une réunion d’échanges sur les mesures annoncées par le Président de la République. Toutes les organisations étaient présentes1 à l’exception de FO.

Contexte

Les nouvelles mesures ont pour but d’éviter autant que faire se peut une 4e vague. L’espoir réside par conséquent dans la vaccination. Celle-ci sera donc obligatoire pour les travailleurs du secteur du soin, et le pass sanitaire le sera pour les salariés des activités pour lesquelles sa présentation est exigée pour les clients.

Selon la Ministre, l’obligation vaccinale des soignants est très proche de ce qui existe déjà à propos d’autres vaccins, même si la procédure prévue est « plus souple » en droit. Elle ne sera effective qu’à compter du 15 septembre. D’ici là, les travailleurs concernés pourront se contenter de présenter un test de dépistage.

S’agissant du pass sanitaire, il sera étendu aux hôtels, cafés, restaurants, aux centres commerciaux et aux transports publics assurant des trajets longue distance (train). Pour les salariés et agents des activités concernées par l’extension du pass sanitaire, ce dernier sera exigible à compter du 30 août.
Pour la Ministre, s’il s’agit de privilégier la pédagogie et l’accompagnement des publics concernés, notamment en facilitant la vaccination sur le temps de travail (le projet de loi fixe une obligation pour l’employeur d’autoriser une absence sans perte de rémunération ou d’avantages sociaux), le choix a néanmoins été fait d’être ferme en prévoyant une suspension du contrat de travail du travailleur non couvert par la vaccination ou un pass sanitaire et au-delà de 2 mois de suspension, la possibilité de le licencier s’il n’est toujours pas en règle.

Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État en charge de la santé au travail, a annoncé un kit de communication pour la fin du mois de juillet. Il sera à destination des salariés, des employeurs et des CSE afin de favoriser le dialogue social de proximité sur la mise en place de ces nouvelles contraintes. Les partenaires sociaux seront consultés avant sa diffusion. Il a insisté sur le fait que l’accès rapide à la vaccination nécessite de mobiliser les services de santé au travail pour qu’ils aillent vers les entreprises au plus près des travailleurs. Ils doivent pouvoir organiser des réunions d’information et d’échange ou des entretiens avec les salariés afin de lever les craintes liées au vaccin. La vaccination doit également, dans certains cas, pouvoir être opérée par les SST directement sur le lieu de l’entreprise (barnums, bus vaccinaux…) notamment quand la situation du lieu de travail rend plus compliquée l’accès aux centres de vaccination. Enfin, les partenaires sociaux sont invités à la réflexion autour de la manière de faciliter la démarche pour certaines catégories de travailleurs comme les intérimaires et les saisonniers.

Interventions

La CFDT s’est exprimée et a fait part des observations suivantes :

- Le projet pose un certain nombre de questions de mise en oeuvre et d’accompagnement. A ce titre, le kit de communication annoncé est attendu.

- La sanction du licenciement pour des salariés qui ne seraient pas en capacité de justifier d’une vaccination ou d’un pass sanitaire est très sévère. Elle est aussi potentiellement contestable d’un point de vue juridique. La CFDT rappelle que le licenciement est une possibilité : il faut davantage miser sur des échanges et des rappels à l’attention du salarié afin de débloquer certaines situations, et laisser un peu de temps. En effet, il peut exister des rancoeurs au sein des soignants, notamment dans certaines régions très frappées par la première vague en 2020 : beaucoup sont allés travailler alors qu’ils étaient malades du covid-19 et attendent toujours une reconnaissance en maladie professionnelle.

- La question des possibilités de reclassement des salariés soumis à l’obligation et qui ne se feront pas vacciner doit être posée.

- Le CSE n’est pas associé à la mise en oeuvre de ces mesures. Ce manque doit être comblé, surtout si on veut de la pédagogie dans un contexte professionnel qui risque d’être tendu.

- La question de la mise en oeuvre dans le cas des particuliers employeurs doit être clarifiée.

- Certaines notions du projet de loi demandent à être précisées. Que doit-on entendre par « grand établissement » qui figure désormais dans la liste des lieux nécessitant la présentation du pass sanitaire ? Qui sont les « personnes intervenant dans les services de transport, lieux, établissements et évènements concernés » par le pass sanitaire, auxquelles il est également possible d’imposer de le présenter ?

- Il faut former à la gestion des conflits qui pourraient naître du refus d’être contrôlé.

- La CFDT estime nécessaire de rapprocher la vaccination et la possibilité d’être testé des travailleurs itinérants (ex : chauffeurs routiers) ou exerçant en zone rurale (ex : certains établissements de tourisme) : la mise en place de barnums mobiles doit être envisagée.

- Des dérogations sont à introduire, au-delà du seul cas des soignants, pour les personnes justifiant d’une contre-indication médicale à la vaccination.

- Malgré le contexte de crise, le secret médical doit être au maximum préservé : il faut s’assurer que seules les informations indispensables sont accessibles et non stockées.

- La CFDT salue l’autorisation d’absence devenue obligatoire pour l’employeur (afin de permettre aux salariés d’aller se faire vacciner) mais regrette qu’aucun temps n’ait été prévu pour permettre de faire face à d’éventuels effets secondaires fréquemment observés dans les 24h-48h suivant l’injection.

La CGT est satisfaite de la nouvelle obligation pour l’employeur d’accorder aux salariés une autorisation d’absence pour aller se faire vacciner sans perte de rémunération. Pour les stratégies de vaccination, elle recommande de procéder par communauté de travail plutôt que par entreprise, d’où l’intérêt des centres de vaccination itinérants. Elle a exprimé l’inquiétude de certains comme les femmes enceintes allaitantes auxquelles il faut apporter de vraies réponses. Enfin, la CGT est opposée à la sanction du licenciement et craint de nombreux contentieux.

La CFE-CGC compte communiquer sur la sanction du licenciement pour absence de pass sanitaire, tout en affirmant avoir toujours été favorable à la vaccination. Elle estime qu’il aurait fallu rendre la vaccination obligatoire pour tout le monde. Elle a par ailleurs mis en garde contre les délais pour obtenir un RDV vaccinal qui peuvent aller jusqu’à 40 jours dans certains territoires.

La CFTC souhaite que le kit de communication paraisse rapidement au vu des nombreuses questions que soulève le projet de loi. Il faudra que ce kit soit grand public et parvienne à l’ensemble des salariés, y compris les plus isolés comme ceux qui travaillent à domicile. La CFTC a posé la question de savoir si les personnels administratifs de bureaux des secteurs identifiés seront aussi concernés par l’obligation vaccinale ou le pass sanitaire. Elle s’interroge également sur le cas des femmes enceintes pour lesquelles le vaccin peut présenter un risque, et plus globalement pour les personnes justifiant d’une contre-indication à la vaccination. Comme la CFDT, elle a soulevé la problématique des absences que peuvent nécessiter les effets secondaires dans les 48h suivant l’injection. Elle est enfin opposée au licenciement comme sanction.

Le MEDEF soutient l’esprit général du texte et considère qu’il s’agit d’une première étape avant une généralisation de l’obligation vaccinale. Il craint néanmoins que le contrôle des nouvelles obligations liées au pass sanitaire soit
trop lourd pour les employeurs qui ne peuvent se substituer aux forces de l’ordre, et propose un système de registre déclaratif qui permette un contrôle a posteriori. Il estime qu’il est nécessaire de repousser au 15 septembre la date de mise en application du pass sanitaire. Il s’interroge sur la notion de « grand établissement », et sur les modalités du calcul du délai de 2 mois suivant la suspension du contrat de travail et autorisant au licenciement. Enfin, il estime les sanctions pour les entreprises très lourdes et difficiles à mettre en oeuvre.

La CPME partage l’objectif d’éviter un reconfinement. Mais elle a formulé des interrogations concernant les sanctions qui pèsent sur les employeurs. Elle craint que les employeurs ne soient pas outillés pour contrôler correctement. Elle n’est pas favorable à l’autorisation d’absence obligatoirement accordée par l’employeur pour permettre aux salariés de se faire vacciner. D’ailleurs cette autorisation d’absence pose la question du secret médical selon elle. Elle est contre les 10 jours d’isolement annoncés pour les cas positifs au vu de la pénurie de main d’oeuvre. Elle est d’accord avec le MEDEF pour repousser la date d’application du pass sanitaire au 15 septembre et sur la question du calcul du délai de 2 mois de suspension du contrat de travail avant licenciement, le considérant un peu trop long, surtout s’il n’englobe pas la phase d’entretien préalable au licenciement. Enfin, la CPME s’interroge sur le régime applicable aux fournisseurs du secteur hôtels-cafés-restaurants ou sur la notion de long trajet (est-ce que les activités fluviales sont concernées ?).

L’U2P estime que toute la population devrait être obligée à la vaccination. Elle dénonce les sanctions disproportionnées pour les employeurs et considère qu’on délègue aux entrepreneurs la charge du contrôle. Quant au licenciement, elle s’étonne que son coût soit laissé à la charge de l’employeur.

En conclusion du tour de table

La Ministre a réaffirmé la nécessité d’en passer par ces mesures, au vu de ce qui est observé dans les pays voisins où les contaminations par le variant delta du covid-19 ont explosé. Il y a aussi à terme un problème de soutenabilité des aides financières déployées pendant la crise et qui ne pourront pas être prolongées indéfiniment. Selon elle, les sanctions prévues seront certainement assez rares dans les faits. Quant au licenciement, ça n’est pas l’objectif, d’où la pédagogie indispensable (elle reste à l’écoute des partenaires sociaux sur ce point), mais elle assume la volonté du gouvernement d’avoir une procédure plus simple que ce qui est prévu pour le non-respect d’obligations liées à d’autres vaccins.

Sur les dates d’application différentes du pass sanitaire d’un côté, et de la vaccination obligatoire des soignants de l’autre, la Ministre est très réservée sur la possibilité d’accéder à la demande d’avoir une date unique d’application au 15 septembre, notamment du fait de l’urgence liée à une 4e vague attendue dès cet été. Elle reconnait néanmoins qu’il faudra s’assurer que les délais d’accès au vaccin dans certains territoires sont compatibles avec les dates d’application.

Sur l’implication du CSE et des IRP, elle reconnait qu’il est possible d’appuyer davantage dessus, bien qu’elle considère qu’on est dans du droit commun.

Enfin, elle reconnait que les notions de « personne intervenant » et de « grands établissements » méritent d’être précisées, tout comme le fait que des réponses doivent être apportées aux questionnements propres à certains champs professionnels. Elle a affirmé que les marchés en plein air, les gares et aéroports et les personnels de bureau ne sont pas concernés par ces mesures.

1 La CFDT était représentée par Catherine Pinchaut, secrétaire nationale, et Pierre-Gaël Loréal, secrétaire confédéral