[LES ECHOS] Télétravail : Entre autonomie et stress en hausse, les « télétravailleurs » au milieu du gué

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Une efficacité optimisée, une responsabilisation bienvenue, mais aussi une forte pression et des relations désincarnées… Dans un sondage Opinionway pour « Les Echos » et Harmonie Mutuelle, les Français dressent un bilan contrasté de leurs mois de télétravail intensif.

Alors que le virus circule toujours, le retour en masse des équipes dans les entreprises est remis à plus tard et le télétravail reste largement privilégié. Mais cette nouvelle organisation nécessite une attention toute particulière de la part des employeurs car, comme le montre un sondage OpinionWay pour « Les Echos » et Harmonie Mutuelle, les collaborateurs font part d'un ressenti contrasté. S'ils évoquent, parmi les avantages, « moins de perte de temps » (trajet, interruptions, pauses), plus de responsabilité (avec une hiérarchie davantage encline à déléguer) et un cadre dans lequel « on se fixe soi-même les objectifs », les télétravailleurs évoquent aussi de nouvelles sources d'anxiété.

« Le manque d'humain »

Pour 60 % des personnes sondées, le travail à distance crée un stress lié au manque d'interaction, au sentiment de solitude ou encore à l'afflux de mails et de réunions virtuelles. Ils sont encore plus nombreux à y voir un risque de « ne jamais déconnecter » (67 %) et « la fin programmée du lieu de travail comme espace de convivialité » (70 %). « On connaissait le stress lié à la surcharge de travail, au poids de la bureaucratie, au contexte concurrentiel… Là, un stress d'une autre nature apparaît : il est lié à la sur-connexion et au présentéisme numérique, ou encore à la raréfaction des contacts réels qui obligent à interpréter sans cesse les messages », explique le sociologue Ronan Chastellier, mettant en garde contre « le manque d'humain ».

 

Par temps de Covid, le « home working » n'est plus considéré comme la panacée, surtout lorsque le domicile n'est pas totalement adapté à l'exercice d'une activité professionnelle (plus de la moitié des 25-34 ans parlent d'un « environnement inadapté qui peut générer de l'inconfort »). Sur le sujet de l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, le télétravail est tout autant vu comme un accélérateur que comme un perturbateur.

Transformation globale des modes d'organisation

« La question est loin d'être tranchée : 37 % des Français disent que l'équilibre est favorisé… mais le même pourcentage dit l'inverse. Cela montre que la frontière n'est pas nette et ce phénomène porte déjà un nom : le « blurring » qui est l'effacement ou brouillage de la limite entre sphères privée et professionnelle », analyse Ronan Chastellier.

Outre le télétravail, et la transformation globale des modes d'organisation et de management, la crise a fait bouger le curseur en termes d'attentes vis-à-vis de l'employeur : 33 % des Français attendent du mieux sur le chapitre des rythmes de travail et de la prévention du stress, 31 % souhaitent une amélioration de la sécurité sanitaire dans les locaux, 17 % réclament une meilleure couverture santé-prévoyance et 14 % évoquent un accompagnement renforcé face aux problèmes de santé liés à l'activité professionnelle. « Compte tenu du contexte, les Français sont devenus beaucoup plus sensibles à leur protection, à leur couverture santé, vues comme des démonstrations de bienveillance de la part de l'employeur… », détaille le sociologue, ajoutant que « sous l'impulsion de la crise, la santé a pris une place démesurée dans l'entreprise. »

Julie Le Bolzer