COVID-19 : URGENCE SANITAIRE, LES PREMIÈRES ORDONNANCES PUBLIÉES
Trois jours après l’adoption de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 au Parlement, les ordonnances suivent. Le 25 mars, pas moins de 25 textes ont été adoptés en Conseil des ministres, dont trois portent respectivement sur la durée du travail, les congés payés et l’assurance chômage.
C’est un véritable branle-bas de combat législatif auquel sont en train de se livrer les pouvoirs publics. Afin d’endiguer la crise économique et sociale liée à l’arrêt d’une partie de l’activité du pays, le gouvernement a présenté un ensemble de 25 textes en conseil des ministres donnant lieu à la publication d’une série d’ordonnances et de décrets, comme l’y autorise la loi d’urgence sanitaire votée ce week-end. « C’est l’urgence sanitaire qui anime tous les esprits aujourd’hui, mais c’est aussi, et ce sera de plus en plus, un choc économique, un choc social : nous ne sommes qu’au début de la crise », a prévenu le Premier ministre Edouard Philippe avant de détailler le contenu des ordonnances à l’issue d’un Conseil des ministres « historique ». Jamais en effet depuis 1958 autant de textes réglementaires n’avaient été adopté d’une seule fois. Pour nombre d’entre eux, il s’agit de mesures de soutien aux entreprises et à l’activité, comme la création du « fonds de solidarité aux entreprises », le report d’un certain nombre de charges pour les TPE ou encore l’assouplissement des règles en matière de commande publique ou d’organisation des conseils d’administration et autres assemblées générales.
Durée du travail
D’autres en revanche ont directement trait au droit du travail. C’est notamment le cas de l’ordonnance portant sur la durée du travail qui doit permettre aux chefs d’entreprise « d’adapter temporairement les règles » en matière de repos hebdomadaire et offrir davantage de « souplesse » dans certains secteurs « pour faire face à la crise », a précisé le ministère du Travail. Lesquels ? il ne saurait le dire précisément pour l’instant, mais évoque déjà de possibles dérogations pour l’énergie, la logistique, les transports ou encore l’agroalimentaire. Concrètement, les dérogations pourront s’appliquer tout autant à la durée maximale de travail hebdomadaire qu’au repos compensateur ou au travail dominical.
Actuellement, la durée du travail effectif hebdomadaire ne doit pas dépasser deux limites que sont les 48 heures de travail sur une même semaine et 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines. Pour les secteurs concernés (et dont la liste doit être publiée par décret dans les prochains jours), ces limites pourraient respectivement être repoussées jusqu’à 60 heures par semaine et 45 heures sur une période de 12 semaines. Le repos compensateur minimal entre deux journées de travail serait lui ramené de de onze à neuf heures.
La CFDT, qui reconnaît la nécessité de prendre des mesures exceptionnelles pour combattre au plus vite le Covid-19 et soutenir l’activité économique, estime néanmoins qu’aucune dérogation ne saurait se faire au détriment de la sécurité et de la santé des salariés. « Chaque dérogation doit en effet se faire sur une période limitée et correspondre à une situation d’urgence avérée », estime Marylise Léon, secrétaire générale adjointe, citant en exemple « la production de masques ou encore continuité de la chaîne alimentaire ». Raison pour laquelle la CFDT prône, depuis le début de la crise, la carte du dialogue social, afin que ces dispositions dérogatoires soient globalement discutées au sein du Comité social et économique des entreprises concernées, à l’image de ce qu’elle a obtenu sur les congés payés.
Jours de congés… pas sans dialogue social
Car parmi les souplesses accordées aux entreprises, figurent en effet celles liées à la prise de congés. Dès la publication du texte règlementaire, l’employeur aura la possibilité d’imposer ou de différer des congés payés d’un salarié dans la limite de six jours ouvrables – et sans avoir à respecter le délai de prévenance de quatre semaines – sous réserve d’avoir obtenu un accord d’entreprise ou de branche. Cette condition de dialogue social préalable était une exigence de la CFDT qui souhaite désormais qu’elle s’applique à l’ensemble des mesures impactant les droits des salariés. « Les réponses adaptées à la situation de crise ne pourront être construites que par le dialogue. L’accord d’entreprise ou de branche doit être privilégié pour s’adapter aux difficultés du moment », précise Marylise Léon. Dans sa ligne de mire, les dates des jours de RTT et des jours de repos affectés au compte épargne temps qui peuvent à l’inverse être modifiées unilatéralement par la direction, sans qu’un accord collectif soit requis. La même ordonnance précise en effet que « le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date ne peut être supérieur à dix ».
Du côté de l’épargne salariale, les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation sont modifiées à titre exceptionnel, et pourront être versées jusqu’au 31 décembre 2019, et non avant le 1er juin.
Activité partielle
Une autre ordonnance à paraître en fin de semaine est très attendue, tant par les employeurs que par les salariés : celle facilitant et en élargissant le recours au chômage partiel. L’idée est de s’inspirer du modèle allemand qui au plus fort de la crise de 2008-2009 avait pris des mesures pour que les entreprises conservent leur main d’œuvre, avec un certain succès : l’activité économique y était reparti beaucoup plus rapidement qu’en France. L’idée est donc d’ouvrir l’accès au dispositif aux assistantes maternelles, employés à domicile, VRP mais aussi cadres au forfait. Pour Marylise Léon, chargée des questions d’emploi, la simplification et l’élargissement du chômage partiel tout comme l’amélioration de l’accès à ce dispositif sont à saluer. « Ces mesures vont permettre de maintenir des centaines de milliers de salariés dans leur emploi et, pour nombre d’entre eux, d’envisager les semaines à venir avec un peu moins d’angoisse ». Des améliorations ont en effet été apportées pour les intérimaires, les personnes travaillant à temps partiel (actuellement, les demandes de chômage partiel se font sur la base de 35 heures) ainsi qu’à celles qui sont à mi-temps au salaire minimum – afin qu’elles perçoivent 100% de la moitié du smic et non 84% comme c’est le cas aujourd’hui. A noter que les pouvoirs publics réfléchissent également à un élargissement du champ des entreprises susceptibles de recourir à l’activité partielle, qui pourrait intégrer par exemple les salariés de droit français exerçant pour une entreprise étrangère.
Un geste pour les plus précaires
Conformément à l’annonce de la ministre du Travail d’une prolongation du versement de l’allocation chômage pour les demandeurs d’emploi en fin de droits, l’ordonnance adoptée en conseil des ministres acte la prolongation à titre exceptionnel des droits pour les demandeurs d’emploi épuisant leur droit au chômage à compter du 12 mars, mais aussi pour les intermittents et bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS). Parallèlement, la période de confinement sera neutralisée dans le calcul des droits à l’assurance chômage du régime général. Des mesures de solidarité ardemment réclamées par la CFDT pour qui l’assurance chômage joue là son véritable rôle d’amortisseur social.