[LE FIGARO] Santé au travail: l'Assemblée nationale va se pencher sur la prévention
Une proposition de loi, visant à «décloisonner la santé publique et la santé au travail», va être examinée à partir de lundi par les députés.
Une proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, parent pauvre des politiques publiques revenu sous les projecteurs avec le Covid-19, sera examinée à partir de lundi en première lecture par l'Assemblée nationale. C'est la première fois qu'un texte d'initiative parlementaire s'attaque à la traduction d'un accord national interprofessionnel (ANI) sur le sujet, le premier du genre lui aussi, validé le 10 décembre par les partenaires sociaux en vue d'une réforme reportée depuis des années.
Adoptée cette semaine en commission des Affaires sociales, la proposition de loi vise à «décloisonner la santé publique et la santé au travail» pour «répondre aux enjeux contemporains et futurs» en la matière, selon la députée LREM Charlotte Parmentier-Lecocq, auteure et rapporteure de la PPL avec Carole Grandjean (LREM). La France, qui ne consacre que «3% des cotisations AT/MP (accidents du travail/maladies professionnelles) à l'évaluation des risques professionnels, contre 10% pour l'Allemagne», doit «rattraper son retard», selon Carole Grandjean.
Une «offre socle»
A cette fin, la proposition de loi comme l'ANI prévoient une «offre socle» supposée plus accessible aux services de santé au travail (SST), qui deviennent des services de prévention et de santé au travail (SPST). Ils sont axés sur trois missions: «La prévention, le suivi médical et la prévention de la désinsertion professionnelle», c'est-à-dire le maintien en emploi des salariés ayant été touchés par des problèmes de santé.
«Suite au confinement de mars et la fermeture de certains services de santé au travail, il y a une réelle inquiétude sur leur activité en période de Covid, et cela montre combien le sujet est extrêmement important», a souligné Carole Grandjean auprès de l'AFP.
Dépistage, vaccination
Alors que le gouvernement entend accélérer la campagne de vaccination contre le Covid-19, le texte réaffirme la possibilité de campagnes vaccinales et de dépistage par les services de santé au travail, notamment «contre le Sars-Cov-2», ce qui existait déjà pour la grippe, avec le consentement obligatoire du salarié.
Il entérine, par ailleurs, sur la base du volontariat, le recours aux médecins généralistes appelés «médecins praticiens correspondants» pour pallier la pénurie de médecins du travail. Ils sont environ 5000 pour 18 millions de salariés, selon les données officielles. Députés de l'opposition et syndicats restent «dubitatifs» sur cette mesure, au vu de la «désertification médicale». Ils craignent en outre une «dévalorisation» de la profession de médecin du travail alors que les représentants des généralistes eux-mêmes ont «peu ou pas» été consultés.
La proposition de loi prévoit également le recours à des «infirmièr(e)s en pratique avancée» dont le «statut sera revalorisé» et qui travailleront «sous la responsabilité du médecin du travail», salarié protégé par le Code du travail. L'intégration de kinésithérapeutes dans les équipes pluridisciplinaires des SPST est également actée.
Données médicales partagées
Autre mesure phare: le médecin du travail pourra consulter le dossier médical partagé (DMP) avec l'accord du salarié. Le «médecin praticien correspondant», dont le texte prévoit une formation spécifique en santé au travail, pourra de son côté consulter le dossier médical en santé au travail (DMST) du salarié, inclus dans le DMP.
Un «rendez-vous de liaison» entre l'employeur et le salarié en arrêt de travail à la suite d'un accident ou une maladie, est aussi prévu avant la «visite de pré-reprise». Il doit permettre d'«informer» sur les conditions d'un retour au travail mais fait craindre à certains députés d'opposition des «pressions» que pourrait exercer l'employeur à cette occasion sur le salarié.
Lors des débats en commission, les députés d'opposition ont regretté une proposition de loi «peu audacieuse» faisant «référence à la gouvernance des services de santé sans aborder la question des moyens» (PS) ni «le financement» des cellules professionnelles envisagées pour lutter contre la désinsertion professionnelle (LR). Ils ont dit leur «amertume» face à un texte qui «jamais ne s'en prend aux causes» (LFI) et rappelé que «le quinquennat a(vait) démarré sur une attaque frontale avec la suppression des CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail)» dans les entreprises, regrettant une proposition de loi «coincée dans un petit périmètre» (PCF).
Pour Libertés et Territoires, qui insiste sur «le respect du consentement» de tous les salariés, «la crise sanitaire a mis en lumière les dysfonctionnements» de la santé au travail avec des médecins et services «pas à la hauteur» de la situation.