[LE PARISIEN] Laurent Berger répond au «travailler plus» du Medef : «Indigne !»
Le numéro 1 de la CFDT qualifie d’«indécentes» les incitations à «travailler plus» à l’issue du confinement formulées par l’organisation patronale.
Il ne digère pas le credo du Medef. Le numéro 1 de la CFDT, Laurent Berger, juge « indignes » et « indécents » les appels formulés par l'organisation patronale à travailler davantage pour compenser l'impact néfaste du confinement sur l'économie. Des appels qui ont eu un écho jusqu'au sein du gouvernement.
« C'est totalement indécent. Aujourd'hui, les travailleurs, comme tout le monde, sont en train de payer le coût de cette crise. Ce n'est pas à eux de payer ensuite », a-t-il déclaré dimanche sur France 2, évoquant des « slogans qui sont lancés aujourd'hui, des vieilles lunes qui reviennent : il faudra travailler plus, il faudra de la sueur et des larmes, etc. ».
« Puisqu'on veut parler de la suite, on ferait mieux de parler de protocole de déconfinement, de la façon dont on va déconfiner, y compris dans les entreprises », a-t-il poursuivi.
Le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, avait lancé le débat en estimant qu'« il faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire ».
La secrétaire d'État à l'Économie, Agnès Pannier-Runacher, a abondé dans le même sens, prévenant qu'il faudrait « probablement travailler plus que nous ne l'avons fait avant » afin de « rattraper » la perte d'activité.
« Une polémique indigne » et une « grosse erreur »
Laurent Berger a évoqué « une polémique indigne » et une « grosse erreur ». Pour lui, « ce qui est en question, ce n'est pas simplement la question économique, même si elle est primordiale et elle me préoccupe beaucoup, c'est aussi la question de la cohésion sociale ».
Interrogé sur l'éventuelle « mise de côté » de la réforme des retraites, qui a provoqué des semaines de mobilisation en France cet hiver, le secrétaire général de la CFDT, qui y était favorable, a reconnu qu' « après cet épisode, dont on n'est pas sortis, on aura bien d'autres chats à fouetter que de se mettre sur la figure sur ce sujet ».
« Nos systèmes de protection sociale vont être mis à rude épreuve […] donc on aura à se concentrer, je crois, […] à bien d'autres problèmes pour pas s'en rajouter ». « On verra si on y revient dans les années à venir », a-t-il tranché.
Il a également à nouveau plaidé pour que la réforme de l'assurance chômage - dont une partie est en place depuis le 1er novembre et une autre a été reportée à septembre - « ne s'applique pas » du tout car elle est aujourd'hui « totalement décalée » alors que le chômage risque d'augmenter après le confinement.
Xavier Bertrand sur la même longueur d'onde
Xavier Bertrand, le président du conseil régional des Hauts de France, avait lui aussi critiqué un peu plus tôt dans la journée les propos d'Agnès Pannier-Runacher. L'ancien ministre a enjoint (à) « ceux qui nous gouvernent » (de se) à se mettre « un quart de seconde à la place des Français, des catégories moyennes et des catégories populaires ».
« Je suis salarié, je me demande si mon entreprise va rouvrir, ma vie est complètement changée du tout au tout, j'ai moins de pouvoir d'achat parce que j'étais au chômage partiel, je ne suis pas responsable de tout ça, et on me dit qu'à la sortie, c'est moi qui vais payer la facture ? Mais qu'est-ce qu'on veut, on veut rendre fous les Français ? On veut les rendre fous de colère ? », s'est emporté l'ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy.
Selon lui, « si à la sortie, la réponse c'est l'austérité, ils n'ont rien compris du tout. L'austérité, les logiques comptables, c'est ce qui nous a mis dans cette situation-là, notamment pour les enjeux de santé et de production des biens de santé ». Un sujet qu'il connaît bien pour avoir été ministre de la Santé sous Jacques Chirac et sous Nicolas Sarkozy, pas les plus farouches adeptes de l'État-providence.
LE PARISIEN