[LES ECHOS] En 2020, l'inclusion des LGBTQ+ régresse en entreprise
À quelques jours du coming out day (dimanche 11 octobre), une nouvelle enquête sur l'inclusion des LGBTQ+ en entreprise a été réalisée par le réseau Pride du Boston Consulting Group avec le soutien du magazine Têtu. Résultat : en 2020, plus de la moitié des salariés LGBTQ+ cachent encore leur orientation ou identité sexuelle au bureau.
« Je m'attendais à ce que le confinement et ses conséquences pèsent sur les résultats de l'enquête mais pas à ce point-là », déplore Thomas Delano, associé au BCG et responsable du réseau Pride@BCG au sein du cabinet de conseil. Cette année, seules 43 % des personnes LGBTQ+ (gays, lesbiennes, bisexuels, queers, non binaires, trans…) assument leur orientation ou identité sexuelle au bureau contre 54 % en 2018 (année du dernier baromètre). Et près de la moitié des personnes interrogées sont prêtes à mentir lors d'une discussion informelle avec leur supérieur. Comment comprendre ce malaise ?
Déjà, le profil des répondant.e.s à cette cinquième édition du baromètre a largement évolué : 74 % des sondé.e.s sont non gays donc sont lesbiennes, bisexuels, queers, non binaires, trans, 'des populations historiquement moins enclines à faire leur coming out professionnel, informent les concepteurs du baromètre. Plus précisément, seules 37 % des lesbiennes et 21 % des personnes bisexuelles ont dévoilé leur orientation sexuelle au boulot contre 50 % des gays.
La covid-19 joue en défaveur de l'inclusion des LGBTQ +
D'après une enquête de l'Ifop pour L'Autre Cercle, une association nationale de lutte contre les discriminations LGBT+ au travail, en 2019, un salarié LGBT+ sur quatre avait été victime d'au moins une agression au sein de son entreprise . On comprend donc pourquoi 38 % des personnes interrogées estiment que faire son coming out au travail représente un potentiel risque pour leur carrière (et pour leur santé mentale).
La généralisation du télétravail liée à l'épidémie n'a pas non plus joué en faveur de la socialisation et de l'intégration des salariés LGBTQ+. « On ne s'attarde plus pour échanger sur qui nous sommes, mais seulement sur ce que nous faisons et produisons », regrette Thomas Delano. Dans ce contexte de travail à distance, seule une personne sur trois perçoit les actions concrètes menées par leur entreprise pour faciliter leur inclusion. « L'onboarding se produit en ligne, donc le nouveau venu ne découvre pas toujours les différentes initiatives portées par la direction et le personnel de l'entreprise, le réseau Pride ou les associations LGBTQ+ qui militent pour faire évoluer les mentalités au sein de l'entreprise », ajoute Albin Serviant, président de Têtu.
Les nouvelles générations attendent que les entreprises s'engagent vraiment
Aujourd'hui, les jeunes diplômés exigent plus de la part de leur entreprise. « Ils attendent des engagements concrets et mesurables et ne se contentent plus de la signature d'une charte, plus difficile à matérialiser dans les faits », remarque le président de Têtu. Donc, pour se sentir vraiment à l'aise dans leur milieu professionnel, 77 % des personnes « pas encore sorties du placard » comptent sur le soutien de leurs collèges et du réseau LGBTQ+ en interne.
Le réseau Pride du BCG, pionnier en la matière, participe d'ailleurs à créer un environnement inclusif. « C'est aussi un facteur de différenciation par rapport à nos concurrents : le jeune diplômé LGBTQ+ aura plus tendance à choisir un groupe qui met en place des mesures concrètes pour lui garantir son épanouissement », assure Thomas Delano.
Pour mettre en confiance les LGBTQ+, les entreprises peuvent aussi donner la parole à des role models (de la communauté ou non) valorisant toutes les orientations et identités sexuelles. « Par exemple, l'interview de Frédéric Oudéa, le directeur général de la Société Générale, qui s'engage contre la discrimination des personnes LGBTQ+ dans le monde du travail, publié dans Têtu et partagé sur l'intranet de la société a fait grand bruit en interne comme auprès des clients », rappelle le président du média. Le groupe BNP Paribas via Yves Martrenchar, son DRH, s'est lui aussi exprimé dans une interview donnée à Têtu, en faveur de l'inclusion de tous les salariés et espère faire de l'entreprise un espace où chacun pourrait « se sentir libre de parler de sa vie personnelle ».
Même si ce dernier baromètre ne présente pas des résultats très enthousiasmants, Albin Serviant et Thomas Delano croient en la capacité des grandes entreprises à assurer le bien-être au travail de tous leurs salariés. Ce sont plutôt les PME de moins de 1.000 salariés, « à la traîne sur les sujets de diversité et d'inclusion », qui les préoccupent. Car, dans ces structures, seule une personne LGBTQ+ sur quatre pense que son entreprise a progressé sur ces sujets au cours des dernières années. « On travaille en ce moment sur ce sujet », confie le président de Têtu.
Méthodologie de l'enquête Inclusion des LGBTQ+ en entreprise : entre juillet et septembre 2020, 1.053 personnes (dont 74 % de personnes LGBTQ+ et 26 % non-LGBTQ+) ont été interrogées via un questionnaire en ligne. Parmi ces participants, 15 % étaient étudiants et 85 % employés.
Par Léa Taieb