[Wolters Kluwer France] La faute inexcusable doit être retenue dès lors que les mesures de protection mises en œuvre par l'employeur se révèlent inefficaces

agression

Le manquement à l'obligation de sécurité et de protection de la santé a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le salarié (en l’espèce des agressions) et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Victime d'une agression physique à bord du bus qu'il conduisait, un conducteur-receveur est pris en charge au titre de la législation sur les accidents de travail. Il intente une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, exposant que dès lors qu’un chauffeur de bus endure une agression de la part de tiers, son employeur a manqué à son obligation de sécurité.
 
La Cour d’appel de Paris juge au contraire que cet accident n'était pas dû à la faute inexcusable de l'employeur. Selon les juges, l’existence d'un danger antérieurement à l'accident n'était pas établie, et encore moins la connaissance de ce danger par l'employeur, puisque seules 4 agressions en 20 mois avaient été recensées sur la ligne sur laquelle était affecté le conducteur, ce qui à leurs yeux ne représentait pas pour autant un danger particulier.

Ils ajoutent que la victime ne justifiait pas avoir signalé à son employeur les injures, humiliations et menaces qu’il avait subies, indépendamment de son agression.

La cour d’appel en conclut qu'aucun élément ne permettait de démontrer que l'employeur connaissait ce danger d'agression, même si l’intéressé l’avait informé de son souhait de changer de ligne, ce qu’il avait tenté de faire, sans aboutir faute de volontaires pour l’y remplacer.
 
Le chauffeur réplique qu’outre les 4 agressions sur cette ligne, 23 autres avaient eu lieu en 20 mois, dont l’une déjà à son encontre (il avait été giflé, avait eu ses lunettes cassées et s'était fait voler son portable), l’employeur en ayant été averti par le registre des incidents. Le CHSCT de l’époque avait d’ailleurs demandé à la direction l'installation de vidéos embarquées dans les bus afin de limiter les risques d'agression.
 
La Cour de cassation a statué au regard des articles L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, desquels il résulte que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers son personnel a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis un salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Par conséquent, « la cour d’appel ne pouvait statuer ainsi alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque d'agression physique auquel étaient exposés les conducteurs ».
 
L’entreprise a d’ailleurs ultérieurement mis en place une vidéo-surveillance sur l'ensemble de ses véhicules de transport.