Santé au travail : des salariés sous haute tension
Les rapports des médecins du travail portant sur l’année 2022 viennent de confirmer ce que nous avions vu venir et annoncé dans nos multiples déclarations : surcharge de travail, démotivation, désengagement… La dégradation du moral des salariés constatée dès 2021 se poursuit. Des facteurs autrefois protecteurs de la santé physique et mentale sont désormais caducs avec l’apparition de nouveaux risques.
Nous avons décrypté leurs copieux rapports, voici ce que nous en retenons…
Les difficultés pour exécuter un travail de qualité s’aggravent…
Faible maîtrise de la charge de travail,
Augmentation délétère de la complexité des tâches,
Contradictions dans les processus,
Mise en œuvre brutale de règles jugées injustes et contre-productives,
Difficultés pour faire remonter à la hiérarchie ce qui ne va pas,
Faiblesse des marges de manœuvre, manque de reconnaissance managériale et RH,
Disparition des emplois simples mais utiles,
Outils administratifs chronophages et peu facilitants (My Job, Teams)
Les très nombreux départs en TPS n’ont pas été anticipés…
La transmission des compétences est passée en arrière-plan.
En cas de remplacement aucun biseau n’a été organisé.
Les formations du nouveau salarié n’ont pas été prévues.
La compétence est mise à mal.
Sans compter que ces 489 départs se sont faits dans la frustration, la déception et l’anonymat après 30, 40 ans dans la société. Ces départs soudains ont été vécus comme violents. En outre, les nombreuses démissions (42 en 2022 contre une quinzaine les années précédentes) interrogent et inquiètent.
En conséquence, la charge de travail pour les équipes restantes s’accroît…
Les activités ont été redistribuées sur le reste de l’équipe, au sein d’autres équipes ou vont être arrêtées.
La demande managériale va vers plus de polyvalence, d’où une frustration due à la qualité empêchée : « on doit faire plus avec moins de moyens », « on se sent dépossédé de notre travail », « la seule chose qui intéresse la direction, c’est la réduction des coûts ».
Beaucoup de salariés compensent par une majoration de l’amplitude des heures de travail, et/ou un travail le week-end …
En outre, les salariés souffrent d’un manque de visibilité sur l’avenir et au sein de la Division Innovation en termes d’activités, de budgets, de ressources...
Il faut en permanence que les managers de proximité prouvent que l’activité est « justifiée », le haut management ne dit pas clairement les choses pour éviter les conflits (infantilisation), le travail est ressenti comme déshumanisé… Ces managers ont le mauvais rôle : apporter les mauvaises nouvelles, gérer les tensions.
L’ensemble conduit à une perte de repères, de sens au travail, à de la démotivation et du désengagement.
Et surtout, à un manque de confiance à tous les niveaux.
Les deux à trois jours de télétravail par semaine deviennent petit à petit un totem…
Les pressions sont énormes de la part de l’entreprise qui rédige des avenants au contrat de travail, communique des processus et met en avant les dynamiques de travail collectives (en étirant les distances organisationnelles de l’encadrement ; en imposant le flex desk rebaptisé plateau dynamique).
Flou des situations de travail lié au travail hybride, perte du collectif, sédentarité…
Conséquences pour les services de santé :
Ces nouvelles organisations du travail se soldent par une augmentation de l’absentéisme aux visites médicales et du travail de secrétariat car :
a) certaines personnes ne viennent pas aux consultations prévues,
b) des personnes en télétravail refusent les créneaux sur leur temps de télétravail,
c) lorsqu’ils sont présents sur site, les salariés manquent de disponibilités.
Ces éléments interrogent quant à la part de responsabilité de chaque partie prenante.
La mise en œuvre du suivi médical engage la responsabilité de l’entreprise.
Le télétravail n’est pas une priorité par rapport à l’obligation d’être à jour de la visite périodique.
À cela s’ajoute l’impact délétère des réorganisations…
Les transformations à l’échelle d’Innovation, mais aussi à l’échelle de l’entité voire des départements, en plus des transformations immobilières, se sont enchaînées. Ceci demande régulièrement des efforts d’adaptation en plus des virages technologiques. Les salariés ont l’impression que tout est joué d’avance et que leur avis est entendu mais finalement souvent pas pris en compte. Ces situations entraînent des conséquences importantes sur la santé physique/mentale des salariés et sur la performance de l’entreprise (augmentation des arrêts maladie et de travail, démotivation, désengagement, dégradation de l’image d’Orange…).
TRISTES CONCLUSIONS…
Les transformations vont plus vite que la capacité cérébrale humaine à s’adapter, ce qui génère des états de stress chronique de plus en plus fréquent. Elles posent la nécessité d’une démarche de prévention, alors que les enjeux économiques à court terme semblent prendre le pas sur toutes les autres considérations.
Faits nouveaux, les médecins constatent une perte de fierté de l’appartenance à l’entreprise et, surtout, une diminution notable du sentiment de sécurité de l’emploi [NB : lequel renvoie à nos craintes exprimées dans notre déclaration d’avril sur l’avenir de l’emploi].
Ces éléments protecteurs ont disparu, accentuant le risque global sur la santé physique et mentale.
Le climat général est propice aux épuisements professionnels et aux décompensations psychologiques.