[LA DEPECHE] Discrimination à l’âge : la révolte des seniors

Couple à la retraite

Durement éprouvés lors du confinement, les seniors, personnes les plus à risques face au coronavirus, ont beaucoup souffert de solitude. Une solitude qui s’explique aussi par des discriminations et une infantilisation qu’ils entendent désormais combattre.

S’il est une catégorie de la population qui a été particulièrement et durement touchée par la crise sanitaire, ce sont bien les seniors, les plus de 65 ans. Premières victimes du coronavirus, ils ont été longtemps privés de voir leurs proches. Une privation qui a été encore plus difficile pour ceux qui vivent dans des Ehpad (Etablissements hébergeant des personnes âgées dépendantes). La perspective, au début de l’épidémie en France, de mettre en place un confinement exclusivement centré sur les plus de 65 ans – vite abandonné par le gouvernement sous la pression de la polémique – mais aussi des discours des autorités sanitaires qui, depuis le déconfinement sont vécus comme "infantilisants" par beaucoup de seniors, ont contribué à créer un malaise.

"Quand on est dans une période de crise, le risque absolu, c’est la discrimination des plus précaires, qu’ils soient en précarité socio-économique ou physique. Les personnes âgées ont payé le plus lourd tribut dans cette crise", explique le Dr Gaetan Gavazzi, gériatre et infectiologue au CHU de Grenoble. "Dans les 29 pays soutenant la campagne #Oldlivematters (littéralement les vieilles vies comptent), tous les professionnels ont remarqué la même chose : des choix ont été faits. Et parfois, nous nous sommes demandé si à l’hôpital, on ne préférait pas gérer des personnes jeunes et en bonne santé que des personnes âgées, malades. La discrimination à l’âge, que l’on appelle âgisme, est une aberration totale."

Un paradoxe entre le bien vivre et le plaisir de vivre

Contre cet âgisme de la société, souligné par le coronavirus mais qui s’est instillé bien avant l’épidémie, des voix de personnalités se sont élevées, comme celles de la comédienne Macha Méril, du chanteur Hugues Aufray ou de la journaliste Laure Adler (lire interview page suivante), alors même que depuis plusieurs années maintenant, les seniors recouvrent à la fois un 3e âge actif et un 4e âge plus dépendant et sur lequel un immense travail d’organisation de la société doit être fait.

Cet âgisme a, en tout cas, été constaté par le 5e baromètre européen des seniors, réalisé par l’Ipsos pour la Fondation Koria auprès de 8 000 personnes dans quatre pays (France, Allemagne, Italie, Belgique).

Le baromètre a d’abord souligné un paradoxe entre le bien vivre et le plaisir de vivre. "Malgré une crise sanitaire qui a plus particulièrement frappé les personnes âgées, la part des seniors déclarant bien vivre leur âge atteint cette année un niveau record avec 80 % des 65 ans et plus (+6 points par rapport à il y a 2 ans). Un niveau jamais atteint, y compris dans des pays très durement touchés par l’épidémie de Covid-19 tels que l’Italie (80 %, +7 points) ou la France (78 %, +9 points). Ce sentiment progresse particulièrement chez les plus âgés (84 % des 80 ans et plus, +13 points)", indique Ipsos.

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Et dans le même temps, le plaisir de vivre des seniors ne cesse de diminuer et atteint son plus bas niveau historique. "Si la vie reste aujourd’hui une source de plaisir pour une majorité de seniors (72 %), ce chiffre est en baisse continue depuis 2014 (-12 points depuis 6 ans) et en recul de 3 points depuis 2018. Il atteint son plus faible niveau historique dans tous les pays : en France (70 %, – 9 points depuis 2016), en Allemagne (79 %, – 8 points) et en Belgique (72 %, – 5 points)." Les seniors pour qui la vie n’est pas source de plaisir (28 % du total) sont surreprésentés chez les niveaux de revenus faibles (41 %), et donc les femmes (32 % contre 23 % des hommes) qui vivent plus longtemps, avec de moindres ressources. La solitude est par ailleurs décisive : les personnes pour qui la vie n’est plus source de plaisir sont surreprésentées parmi celles qui vivent seules (33 %) et n’ont pas de petits-enfants (31 %). "Malgré une crise sanitaire qui a plus particulièrement frappé les personnes âgées, la part des seniors déclarant bien vivre leur âge atteint cette année un niveau record avec 80 % des 65 ans et plus (+6 points par rapport à il y a 2 ans). Un niveau jamais atteint y compris dans des pays très durement touchés par l’épidémie de Covid-19 tels que l’Italie (80 %, +7 points) ou la France (78 %, +9 points). Ce sentiment progresse particulièrement chez les plus âgés (84 % des 80 ans et plus, +13 points)", indique Ipsos.

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Et dans le même temps, le plaisir de vivre des seniors ne cesse de diminuer et atteint son plus bas niveau historique. "Si la vie reste aujourd’hui une source de plaisir pour une majorité de seniors (72 %), ce chiffre est en baisse continue depuis 2014 (-12 points depuis 6 ans) et en recul de 3 points depuis 2018. Il atteint son plus faible niveau historique dans tous les pays : en France (70 %, – 9 points depuis 2016), en Allemagne (79 %, – 8 points) et en Belgique (72 %, – 5 points)." Les seniors pour qui la vie n’est pas source de plaisir (28 % du total) sont surreprésentés chez les niveaux de revenus faibles (41 %), et donc les femmes (32 % contre 23 % des hommes) qui vivent plus longtemps, avec de moindres ressources. La solitude est par ailleurs décisive : les personnes pour qui la vie n’est plus source de plaisir sont surreprésentées parmi celles qui vivent seules (33 %) et n’ont pas de petits-enfants (31 %).

Le niveau de dépendance

"En fait, c’est le niveau de dépendance qui est le facteur le plus clivant", note le baromètre, qui dresse un constat sévère : la ville n’est pas adaptée aux seniors. Sur les 11 critères testés, qui vont de l’accessibilité des services de santé à la sécurité, la note moyenne d’accessibilité des services dans la ville accordée par les seniors est de… 4,5/10 !

Face à l’isolement et à l’inaccessibilité, les seniors réclament des solutions et demandent aux responsables publics d’agir. Installer plus de services et d’infrastructures près de chez eux, comme des points d’aide aux mobilités (31 %), des distributeurs de billets (26 %) ou des points d’accès aux services publics (25 %).

Une très large majorité (83 %) demande des services publics itinérants pour aider dans les démarches administratives, des cabinets médicaux itinérants (77 %) ou des commerces et services culturels itinérants comme les bibliobus ou des épiceries. "La demande autour de ces nouvelles solutions démontre une grande ouverture d’esprit des seniors, qui devrait inspirer les futurs débats autour de la loi grand âge et autonomie. Il est vraiment temps de comprendre que les Européens ont largement changé de regard sur le vieillissement !" réagit Serge Guérin, président du Conseil scientifique de la Fondation Korian.

Philippe Rioux