[LIBERATION] La Défenseuse des droits et l'OIT épinglent à nouveau les discriminations au travail
Un baromètre sur la perception des discriminations dans l'emploi publié ce mardi souligne leurs répercussions sur les parcours professionnel et personnel. L’origine ou la couleur de peau et l’état de santé ou le handicap restent les critères les plus discriminants.
L’enquête annuelle sur les discriminations dans l’emploi menée par le Défenseuse des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT), publiée ce mardi, révèle qu’en 2020 41% des personnes actives en France ont déclaré avoir été victimes d’au moins un propos ou comportement sexiste, homophobe, raciste, lié à l’état de santé, au handicap ou encore à la religion dans le cadre de leur travail. Près d’un quart des actifs interrogés affirme avoir été victime de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans l’emploi. Un taux très élevé, malgré une décrue ces dernières années : la proportion de la population active affirmant avoir déjà été discriminée dans l’emploi affiche une baisse de sept points depuis 2013.
Prise de conscience
L’enquête, réalisée du 6 février au 14 mai 2020 auprès d’un échantillon représentatif d’un millier d’actifs du secteur privé et de la fonction publique, met en lumière trois enjeux : «Le continuum des attitudes hostiles au travail», «l’évolution des discriminations dans le temps» ainsi que «les conséquences des discriminations sur les individus et leur parcours». Et permet de montrer qu'«une fois de plus, que les discriminations sont véritablement devenues un enjeu majeur du débat sur le travail et les relations professionnelles en France», détaille Cyril Cosme, directeur du bureau de l’OIT en France.
En parallèle, une prise de conscience semble être à l’œuvre : la proportion de personnes ayant déclaré avoir été témoin de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans le cadre de leurs activités professionnelles a augmenté de 8 points depuis 2012, pour se hisser cette année à 42%. «Plus d’un quart de la population active française considère que les individus sont souvent ou très souvent discriminés au cours de leur vie», note aussi l’étude.
L’origine ou la couleur de peau reste le critère le plus discriminant, devant l’état de santé ou le handicap, l’apparence physique et l’âge. Les actifs sondés reconnaissent eux-mêmes «être mal à l’aise» avec des collègues transgenres, issus de la communauté des gens du voyage, ou atteints d’une maladie grave ou chronique.
Répercussions sur l’état de santé
Le rapport souligne également le fait que ces discriminations peuvent entraîner «des répercussions durables et délétères sur les individus et leurs parcours de vie». «La gravité de la discrimination, c’est que la trajectoire de vie des personnes en est impacté» alerte George Pau-Langevin, adjointe à la Défenseuse des droits. En effet, près de la moitié des personnes actives victimes de discriminations ont connu des conséquences négatives sur leur emploi. 19% ont même été licenciées ou ont vu leur contrat non renouvelé. Des répercussions qui sont aussi physiques ou mentales : la moitié d’entre elles évoquent un sentiment de fatigue, de tristesse, de déprime ou une dégradation de leur état de santé.
Rare point positif, entre 2012 et 2020, la part des victimes de discriminations qui ont entrepris des démarches à la suite des faits a augmenté de 19%, «ce qui témoigne d’une plus grande prise de conscience de ces enjeux», selon le rapport. Cyril Cosme, de l’OIT, insiste aussi sur le «rôle croissant que peuvent jouer les organisations syndicales et le dialogue social».
Pour lutter contre les discriminations au travail, George Pau-Langevin souhaite repérer les «signaux faibles» de discrimination le plus tôt possible. Cette dernière appelle tous les employeurs à se mobiliser sur cette problématique et d’en faire une priorité. «Une politique globale et coordonnée» doit être mise en place, souligne l’adjointe, afin de renforcer les obligations à agir des organisations, et «assurer la sanction effective des discriminations» au travail.